Incarcération du journaliste Zied El Héni : le SNJT dénonce un acharnement judiciaire
En l’espace de quelques semaines seulement, Zied El Héni, historiquement l’une des figures de proue du journalisme engagé en Tunisie, aura été arrêté au total trois fois pour de banals propos tenus sur antenne dans un plateau radio. Mais assortie d’un mandat de dépôt, tel un cadeau symbolique du nouvel an fait à la profession dans son ensemble, la dernière arrestation en date choque et mobilise une partie de l’opinion publique.
Dans la torpeur post réveillon et après avoir épuisé les prolongations légales de sa garde à vue, le Parquet a en effet décidé le 1er janvier d’émettre un mandat de dépôt à l’encontre du journaliste et d’examiner, le 10 janvier courant l’affaire dans laquelle il est accusé de « porter atteinte à autrui sur les réseaux publics », a déclaré son avocat, le militant Ayachi Hammami, aux abords du Tribunal de première instance de Tunis.
Zied El Héni est ainsi accusé d’avoir porté préjudice à la ministre du Commerce, sans la nommer et visant davantage sa fonction, lors d’une intervention aussi critique qu’ordinaire sur les ondes de la chaîne de radio privée IFM, en préconisant de la limoger pour incompétence. Il est aussitôt convoqué manu militari pour être auditionné par la cinquième brigade de la Garde nationale à L’Aouina. D’après sa défense, El Héni s’est depuis muré dans le silence, se disant « fatigué d’avoir à se justifier de ses propos, étant de surcroît en mauvais état de santé » du fait de maladies chroniques.
Le parquet a donc décidé d’émettre un mandat d’arrêt contre lui, en modifiant la nature de l’affaire de crime en délit, conformément à l’article 86 du Code des communications, mais fixant une audience judiciaire pour le 10 janvier en cours, ce qui signifie au minimum une dizaine de jours de détention.
Mobilisation syndicale
Aujourd’hui mercredi 3 janvier, la Fédération nationale des journalistes tunisiens a appelé dans un communiqué l’ensemble des journalistes à assister à l’assemblée générale qui aura lieu le jour même pour discuter des différentes démarches pouvant être entreprises pour défendre le journaliste Zied El Héni. Il est notamment prévu que la centrale syndicale se penche sur d’autres incarcérations récentes de journalistes, dont celle de Khalifa Guesmi ainsi que celle de Shadha Al-Haj Moubarak.
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Le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a pour sa part fermement critiqué la décision de justice « relevant du délit d’opinion » et appelé les journalistes et toutes les forces vives du pays à participer à un rassemblement de protestation devant le Tribunal de première instance, pour réclamer la remise en liberté de Zied El Héni.
Le fraîchement élu président du SNJT, Zied Dabar a condamné l’émission d’un mandat de dépôt contre le journaliste, appelant tous les professionnels du secteur à assister à une réunion mercredi pour examiner « les formes de lutte » à entreprendre, en protestation contre cette décision de justice.
Dabbar a souligné que cette décision constitue « un message clair des autorités pour dire le peu de cas accordé à la liberté et au respect des procédures judiciaires ». Pour le président du SNJT, cette décision traduit « l’usage excessif du pouvoir judiciaire et le désir apparent de nuire au journaliste Zied Heni et de faire taire par son biais toute voix libre de ceux qui osent exprimer une opinion sur un ministre ou un responsable ».
Après des années d’opposition au régime de Ben Ali, Zied El Heni était particulièrement actif dans la société civile post révolution. Il devient maire de Carthage entre 2011 et 2016, avant d’être élu membre du conseil municipal de la même ville en 2018. Il a aussi été membre élu du SNJT et plusieurs autres associations dont la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et Amnesty International. En 2013, il avait créé l’Organisation tunisienne de défense des journalistes.