« Il est marqué à vie » : Nora, la sœur de Nordine, victime des balles de la police
Le 3 octobre dernier, un procès s’est tenu au tribunal de Bobigny, où deux policiers de la BAC étaient jugés pour violences volontaires avec arme. En août 2021 à Stains, ils ont tiré à huit reprises sur un automobiliste et sa passagère, les blessant grièvement après un refus d’obtempérer. Le délibéré sera rendu le 7 novembre.
Une vidéo révèle des tirs jugés disproportionnés et non conformes aux règles de légitime défense, selon le comité Justice pour Nordine. L’automobiliste, Nordine B., soutient qu’il n’a pas identifié les policiers en civil.
En novembre 2022, Nordine B. a été condamné en appel à deux ans de prison pour refus d’obtempérer et est actuellement incarcéré. Nous avons contacté sa sœur, Nora.
LCDL : Comment va votre frère en ce moment, surtout moralement, malgré son incarcération ? Arrive-t-il à garder le moral ?
J’ai vu mon frère souffrir ; c’est un homme brisé par une machine judiciaire qui s’est acharnée contre lui. Malgré un état de santé très préoccupant, il a été sorti de l’hôpital extrêmement rapidement, puis incarcéré, sans lui laisser le temps de se remettre après plusieurs greffes osseuses. Son moral est au plus bas.
Depuis le drame, avez-vous remarqué des changements chez lui ? En quoi est-il différent aujourd’hui ? Pensez-vous qu’il pourra un jour reprendre une vie normale ?
J’ai été impressionné par son parcours ; il n’a jamais dévié de son objectif : faire reconnaître son statut de victime, obtenir la condamnation des policiers responsables, et faire valoir les nombreux préjudices qui ont affecté sa vie. Oui, il a changé, car il doit désormais vivre avec son handicap et s’y adapter. Reprendre une vie normale ? Il porte des cicatrices partout, marquées par les multiples greffes osseuses. Il n’oubliera jamais : il est marqué à vie.
Le procès des policiers impliqués dans les blessures de votre frère a eu lieu récemment. Êtes-vous confiante quant à l’issue du jugement ?
Je suis consciente qu’en matière de procès contre des policiers, il est difficile pour les victimes et leurs familles d’obtenir justice et réparation. Mais Nordine ira jusqu’aux instances européennes si le jugement ne lui est pas favorable.
J’ai trouvé les réquisitions du Procureur plutôt clémentes : un an de prison avec sursis, c’est peu pour des violences qui auraient pu lui coûter la vie. Il a tout de même reçu sept tirs. Je doute que la présidente du tribunal aille au-delà de ces réquisitions, mais elle doit au moins prononcer une condamnation. Sur ce point, je ne peux pas anticiper la décision de justice.
Comment votre famille, et plus précisément vos frères et sœurs, gèrent-ils cette situation ? Est-ce que vous faites front ensemble ou certains prennent-ils plus de recul ?
Nous avons tous souffert de le voir dans un état critique, craignant de le perdre. Ma grande sœur était très en colère, voyant la justice s’acharner contre lui au début. Nous avons toujours été à ses côtés, suivant toutes les procédures avec ses deux avocats, et nous sommes satisfaits que les choses se soient quelque peu rééquilibrées.
Le jour du procès, la famille s’est relayée pour le soutenir, ce qui était essentiel pour lui. Mais revoir la vidéo des tirs sur notre frère était insupportable ; ma grande sœur a quitté la salle en larmes. Nous avons préféré préserver notre mère et lui éviter cette épreuve. Mon père était présent. Nous sommes tous unis pour que Nordine sache qu’il n’est pas seul dans cette tragédie. Il attendait un enfant lorsque sa vie s’est brutalement arrêtée ; l’abandonner n’a jamais été envisageable, même un instant.
Aujourd’hui, mon frère est en prison alors que son état de santé reste instable. Ses soins, ainsi que les visites chez son chirurgien et son kinésithérapeute, ont été interrompus. En prison, il n’a accès ni aux soins chirurgicaux ni à un suivi psychologique continu.
Son avocate a dû écrire au Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté pour alerter sur son état. Il doit subir une opération en novembre et pourtant, il n’a toujours pas été libéré, alors qu’il est éligible.
La situation est extrêmement difficile pour lui, mais notre famille reste son plus précieux soutien, et grâce à cela, je pense qu’il parvient à retrouver un peu de moral, au moins quand nous allons lui rendre visite.