Samia Orosemane : « Je veux rendre les tunisiens heureux »

 Samia Orosemane : « Je veux rendre les tunisiens heureux »

Crédit photo : Hout Kov


Samia Orosemane a décidé de lancer son propre festival d’humour dans son pays d’origine, la Tunisie. Elle n’édulcore rien de tous les obstacles qu’elle a dû surmonter. 


Pourquoi vous êtes-vous lancée dans l’aventure de l’Ile du rire, le festival d’humour que vous avez créé à Djerba ?


Après la révolution et les attentats, la Tunisie a souffert d’une baisse du tourisme. J’ai voulu redonner envie aux touristes de venir, que la destination soit attrayante aussi d’un point de vue culturel. L’humour à cette faculté de rassembler les gens, les rendre heureux, faire oublier les différences… La Tunisie a besoin de lumière pour oublier et passer à autre chose. Je veux qu’elle rayonne, qu’elle sourie comme son peuple.


 


C’est compliqué de mettre sur pied un festival ?


Lors de la première édition en 2015, j’ai eu du mal à motiver les artistes, surtout après les attentats de Sousse. Puis j’ai annulé deux années consécutives, pour les mêmes raisons : la Tunisie était une destination à risque. Je devais même respecter le couvre-feu si je voulais monter l’événement, ce qui était impensable. L’an passé, il y a eu une nouvelle impulsion, et avec l’aide des institutions tunisiennes, nous avons réalisé un super spectacle, qui a trouvé son public, à la fois de locaux et de touristes, et aussi une jolie couverture médiatique très enthousiaste. Cette nouvelle édition 2018 est la continuité de ces efforts, à un moment où le tourisme tunisien se porte beaucoup mieux. D’ailleurs, c’est en suivant les recommandations de l’office de tourisme que nous avons donné la date du 29 août, là où l’affluence est au plus haut, juste avant la reprise.


 


Comment financez-vous un tel projet ?


Le festival est subventionné par l’Institut français de Tunisie et j’ai aussi une aide du ministère du Tourisme, ainsi que d’autres sponsors… Pour le reste, ce sont mes propres deniers qui sont engagés. Je n’organise pas cet événement pour l’argent, loin de là, mais pour la dimension sociale apportée sur cette petite région qu’est Djerba. Ce sacrifice, je le fais pour mes racines, ma culture. Pour l’instant, l’intérêt n’est pas financier. Mon but, dans la vie, est d’être utile aux autres. Alors, si à travers mon art et mon savoir-faire je peux rendre les gens heureux, et peut-être avoir une influence, je serais comblée.


 


C’est si particulier de jouer sur vos terres ?


Le trac que je ressens là-bas est mille fois plus intense que nulle part ailleurs. J’ai tellement peur de décevoir les Djerbiens… Leur regard m’impressionne. Cette île représente mes parents, mes origines, mon histoire. Vous savez, avec ce festival, je gagne aussi une certaine reconnaissance. Avant, j’ai toujours eu le sentiment d’être un peu d’ici et de là-bas, de ne pas être vraiment à ma place. Mais maintenant, quand je marche dans la rue à Djerba, on me félicite et on me remercie pour ce que j’ai accompli et la promotion que je fais de la Tunisie à l’étranger. Les gens me disent : “On préfère renvoyer cette image que celle du kamikaze qui a tué à Nice ! Heureusement, toi, tu fais de belles choses, tu ne nous fais pas honte.” Quand j’entends ces phrases, j’ai le cœur qui se serre, je suis émue, ça me donne encore plus de courage pour continuer à parler de la Tunisie, ce pays généreux, enjoué, connu pour être une destination de rêve, mais qui, à moyen et long termes, deviendra aussi un spot incontournable de l’humour. Un peu comme Marrakech au Maroc. 


 


L'ile du rire, le 29 Aout, au Marina Houmt Souk de Djerba