Hocine Soltani – Le boxeur disparaissait il y a vingt ans
Il y a vingt ans, jour pour jour, disparaissait Hocine Soltani, premier et unique boxeur algérien à avoir décroché l’or aux jeux olympiques, en 1996. Disparu dans des circonstances troubles, le natif de Thénia restera ce combattant invaincu chez les professionnels. Dans cet article publié dans notre magazine, ses proches évoquent son souvenir.
Par Thomas Goubin
C’est une image que l’on n’a jamais revue. Le 4 août 1996, à Atlanta (Etats-Unis), Hocine Soltani s’agenouille sur le ring et lève les bras au ciel. Le poids léger (moins de 60 kg) de 23 ans est sacré champion olympique. Depuis, aucun autre boxeur algérien n’a été couronné. Et avant lui, seul un Africain l’avait été (le Kenyan Robert Wangila en 1988). Le natif de Thénia devient également le premier Algérien à remporter deux médailles aux JO, puisqu’il avait déjà enlevé le bronze, à Barcelone en 1992, dans la catégorie des poids plumes (moins de 57 kg).
Soltani appartient au panthéon olympique de son pays, au même titre qu’Hassiba Boulmerka, Noureddine Morceli ou Taoufik Makhloufi. Pourtant, il semble avoir été oublié. Comme si ses exploits avaient été effacés par les circonstances tragiques de sa disparition, alors qu’il n’avait que 29 ans.
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Corps calciné
Qu’est-il arrivé à Hocine Soltani ? La question hante sa famille depuis le 31 mars 2002. Ce jour-là, il y a un coup de fil, une histoire de voitures pas arrivées à destination, un intermédiaire à rencontrer par celui qui, selon son épouse Djamila, travaillait alors dans l’import-export à Marseille. Et puis, plus de nouvelles.
Deux ans plus tard, une partie de son corps, calciné, est retrouvée dans une forêt près de Salon-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. Epilogue abominable pour un homme “serviable, gentil, poli”, comme le décrit Jean-Pierre Di Stefano, son dernier entraîneur. Aujourd’hui encore, le mystère reste entier. Une partie de sa famille a longtemps préféré croire qu’Hocine vivait à l’étranger, incapable d’accepter une telle issue.
Au départ, l’histoire est pourtant belle. Celle d’un homme qui atteint le haut niveau à la force de ses poings. “Avec lui, ça allait vite. Il avait un bon coup d’œil et il était athlétique, même s’il n’était pas très puissant”, brosse le journaliste Jean-Philippe Lustyk, auteur du Grand Livre de la boxe (éd. Marabout).
Hocine Soltani bénéficie du savoir-faire de son frère, Omar, un ex-boxeur amateur de très bon niveau, devenu son entraîneur. Son outil de travail : un modeste ring dans une salle de Boudouaou (wilaya de Boumerdès), dont les murs sont aujourd’hui décorés de photos du héros local.
Omar y entraîne toujours une centaine de boxeurs, en compagnie de son fils, Mebarek, champion d’Afrique amateur en 2001 et participant aux JO en 2000 et 2004. “Quand mon oncle a été titré, je me rappelle d’une grande fête et aussi qu’un dirigeant de la ville lui avait offert une voiture, une Clio”, nous raconte-t-il.
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Quatre combats chez les professionnels
Soltani se laisse tenter par l’aventure américaine peu après son sacre olympique. Quelques mois lui suffisent pour se rendre compte que personne ne l’attend là-bas. Les promoteurs ne se battent pas pour lui, fût-il le meilleur chez les amateurs. Ce sera finalement la France. “C’est lui qui a pris contact avec moi, se souvient Jean-Pierre Di Stefano. Il savait que j’étais à Alger et m’a donné rendez-vous à la poste. C’était étrange, il semblait agir en catimini.” Fin connaisseur de la boxe maghrébine, l’entraîneur né à Tunis accepte volontiers de cornaquer celui qui veut devenir champion du monde. Il va même l’héberger chez lui, à Salon-de-Provence.
Tout semble aller dans le meilleur des mondes. Soltani s’entraîne du matin au soir et voit ses efforts récompensés le 30 novembre 1998. Ce jour-là, il fait ses débuts professionnels lors d’une soirée de gala organisée par Louis et Michel Acariès, les grands promoteurs de la boxe en France. La compétition se déroule au Palais des sports de Paris, devant les caméras de Canal+. Soltani l’emporte.
L’Algérien ne perdra jamais en professionnel… mais sa carrière sera courte. Quatre combats seulement, le dernier ayant lieu à Alger en 2001. “Je me souviens d’un boxeur qui allait très vite, une vraie mitraillette, témoigne David Sarraille, son avant-dernier adversaire, lors d’un meeting à Poitiers, en 1999. J’aurais aimé boxer comme lui, mais il n’empêche que ce jour-là, je me suis fait voler.”
Il explique : “En fait, il n’encaissait pas bien, et après l’avoir touché, l’arbitre a commencé à vouloir m’arrêter dès que je recevais un coup.” Comme une odeur d’arrangement… Sarraille ne sera pas autorisé à aller au bout du combat.
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Huit ans de prison ferme
Soltani aurait-il été ébloui par le monde professionnel et ses lois particulières ? A-t-il commencé à avoir de mauvaises fréquentations ? Di Stefano a bien remarqué que le boxeur semblait souvent inquiet, préoccupé. Mais c’était le cas dès ses premiers jours en France.
Face aux questions, toujours la même réponse du pugiliste : le silence. “On sentait qu’il portait un grand poids sur ses épaules”, explique aujourd’hui l’entraîneur de 73 ans. Finalement, il le voit décamper à Paris, du jour au lendemain. “Il m’a dit qu’il avait des problèmes, rien de plus.” Lui non plus ne reverra pas Soltani.
En 2005, un homme, Lahcen B., a été condamné, à Aix-en-Provence, pour l’assassinat du champion. Huit ans de prison ferme pour “enlèvement suivi de la mort de la victime”. Ce dernier n’a donné aucune explication plausible lors du procès. Di Stefano, qui a fréquenté des voyous lors de sa jeunesse dans les quartiers nord de Marseille, puis lors d’entraînements en prison, dit avoir entendu parler de “trafic de voitures”.
D’autres évoquent un “tourbillon”, celui d’un homme “pas préparé pour faire face à la lumière”. “Ça ne colle pas, coupe Di Stefano. Il n’était pas fanfaron, il ne mettait jamais en avant son statut de champion olympique, et il n’avait pas la malice, le vice des voyous.”
Impossible de vraiment recoller les morceaux. A Boudouaou, Mebarek a bien essayé d’entretenir la mémoire de son oncle avant de se lasser des soirées d’hommage. Trop locales à son goût. Et pas à la hauteur de la carrière d’Hocine : le plus grand boxeur de l’histoire algérienne.
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