Dix fois par jour, assister à des adieux …
Hatem fait partie des nombreux héros anonymes en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. Ce pompier franco-tunisien de 37 ans, papa de trois enfants, nous raconte son quotidien entre transferts de malades et déconvenues.
Ce qui a changé depuis la crise sanitaire pour ce pompier professionnel travaillant dans le département des Yvelines ? « L’explosion du nombre d’interventions impliquant des détresses respiratoires. Nous prenons en charge des personnes en train de faire une crise d’asthme couplée à une crise d’angoisse et elles sont persuadées d’avoir attrapé le covid », avance ce trentenaire. Évidemment, il arrive que ce soit le cas, que le redoutable virus soit avéré…
On oublie trop que les pompiers sont en première ligne pour transporter les malades dans les établissements hospitaliers. Ils travaillent dans l’ombre.
« La plupart des gens ignorent cette réalité. Ils pensent qu’on passe le plus clair de notre temps à éteindre des incendies alors que dans 85% des cas nous intervenons pour secourir des victimes », regrette ce père de famille, déçu qu’à aucun moment le président de la république n’ait rendu hommage aux sapeurs-pompiers lors de ses récents discours.
D’ailleurs, le premier mort du covid déploré par ce corps de métier, était un collègue que Hatem appréciait. « Je connaissais bien Olivier Lugand, infirmier et pompier volontaire du regroupement de Saint-Germain-en-Laye. C’est une disparition qui nous a tous forcément beaucoup affectés ».
Pour autant, Hatem ne va pas travailler la peur au ventre. « Aujourd’hui, le virus on sait comment s’en prémunir. Ce qui me désole, c’est l’avant. C’est toute cette période où le virus circulait en France et au cours de laquelle nous n’avons pas pris les mesures barrières, imposées par la suite. C’est à ce moment-là que nous avons pu être en contact avec le virus et le transmettre un maximum tout autour de nous, lors de nos différentes interventions et interactions. La France s’est confinée trop tard… », regrette-t-il.
Le plus difficile à surmonter depuis le début de la pandémie ? « C’est la détresse des gens quand on intervient à leur domicile. On est témoin de leur peur, des adieux qu’ils font à leurs proches quand ils sont confinés ensemble… C’est déchirant de voir, parfois au beau milieu de la nuit, des gens qui s’aiment se quitter en pensant qu’ils ne vont plus jamais se revoir ». Autant de scènes tragiques qu’il peut être amené à vivre jusqu’à dix fois par jour.
Partager ces moments difficiles avec ses proches quand il rentre chez lui à l’issue de ses douze ou 24h de garde, il n’en est évidemment pas question. « On préserve la famille mais on parle beaucoup à la caserne entre nous et éventuellement à un psychologue pour évacuer les lourdes interventions qui vont donner lieu à de récurrents cauchemars. Mais on n’est jamais préparé à vivre ce que nous traversons actuellement ».
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