Hacen Boukhelifa : « La CPI doit juger Benyamin Netanyahu »
Avocat aux barreaux de Marseille et Paris et spécialiste du droit international, Maître Hacen Boukhelifa fait partie du collectif de 602 avocats qui ont déposé une plainte auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI). Il revient pour nous sur la genèse, les personnes impliquées et les conséquences de cette plainte.
Le Courrier de l’Atlas : Pourquoi êtes-vous signataire de cette plainte ?
Hacen Boukhelifa : La situation actuelle à Gaza en Palestine est tellement catastrophique au niveau du droit international. Il s’opère un véritable génocide. C’est un massacre au quotidien contre les populations palestiniennes. Aussi, 602 avocats jugent utiles d’agir. Il y a également près de 150 associations françaises et à travers le monde qui sont associées à cette plainte. Il est indispensable de mettre Israël devant ses responsabilités sur les crimes que ce pays commet depuis le 7 octobre. Cette plainte a été ouverte à tous ceux et celles qui souhaitent apporter leurs aides.
LCDA : La plainte a-t’elle déposée à la CPI ?
Hacen Boukhelifa : Elle l’est depuis le 9 novembre dernier. Elle est dorénavant entre les mains du procureur de la CPI, M. Karim A. Khan.Tous les avocats sont cosignataires de cette plainte. Il faut savoir qu’actuellement, il y a 139 États signataires du statut de Rome de 1998. L’État d’Israël et l’État de Palestine en font partie. La CPI aura à se prononcer contre les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes d’agression.
LCDA : Faut-il la présence d’une famille de victimes pour porter plainte ?
Hacen Boukhelifa : Non, cela n’est pas nécessaire. Notre qualification d’avocat nous autorise à déposer une plainte au nom de l’intérêt à agir. Il semble évident aujourd’hui avec le massacre de dizaine de milliers de morts innocents dans ce conflit. Même si les avocats ne s’étaient pas saisis de l’affaire, le procureur aurait pu s’auto-saisir sans aucune plainte. Il le fait lorsqu’il constate qu’il y a génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.
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LCDA : Le procureur a bien reçu la plainte. Peut-il la classer sans suite ou y aura t’il, selon vous, des enquêtes et investigations ?
Hacen Boukhelifa : Cela dépend du procureur de la CPI en effet. Une fois saisi, il a la possibilité de mener des enquêtes ou des instructions. C’est un peu calqué sur le droit interne français. Le bureau du procureur de la CPI a alors l’opportunité de décider. Il peut poursuivre ou classer sans suite. Sincèrement, au vu des éléments et la qualité des témoignages au sein de la plainte, cela m’étonnerait fortement que la CPI classe l’affaire sans suite.
LCDA : La CPI poursuit des individus et non des Etats. Quelles sont les personnes visées par votre plainte ?
Hacen Boukhelifa : Le dernier paragraphe de la plainte (le numéro 168) est clair. Nous demandons au nom de l’urgence, que le procureur saisisse la chambre criminelle à l’encontre de M. Benyamin Netanyahu et de toutes personnes qui apparaitront lors de l’enquête. La CPI doit juger Benyamin Netanyahu qui a fait plusieurs déclarations dans le sens du génocide des Palestiniens. Notre plainte reprend aussi plusieurs déclarations comme celles des ministres de la défense, de l’énergie ou d’une députée de la Knesset. Par extension, si la plainte va plus loin, de nombreuses personnalités israéliennes devront répondre devant la CPI.
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LCDA : Comment pourrez-vous récolter des preuves si Israël ne collabore pas ?
Hacen Boukhelifa : Les preuves, nous en avons des centaines ! Dés le départ, nous avons pu recueillir des centaines de témoignages des habitants de Gaza. Nous avons des supports audios, audiovisuels, etc… A l’heure actuelle, nous continuons cette collecte de témoignages. Nous sentons bien qu’Israël ne va pas collaborer à une enquête qui la met devant ses responsabilités. Nous ne sommes pas dupes. La parole de tous ces civils massacrés et les déclarations orales des dirigeants israéliens suffissent à justifier cette plainte devant la CPI.
LCDA : Peut-il y avoir des plaintes contre certains hommes politiques occidentaux pour complicité ?
Hacen Boukhelifa : Il peut y avoir en effet des plaintes contre ces chefs d’Etat. Je ne préjuge pas de leur sort. Nous, nous restons concentrés sur ce qui parait essentiel dans cette affaire, à savoir les dirigeants israéliens. Ils prennent le prétexte des actes criminels du 7 octobre que nous condamnons pour mener une destruction de masse. Outre les populations, les tirs ont visé des écoles, des hôpitaux et des services de santé. Ils opèrent une vengeance contre des civils palestiniens depuis plus d’un mois. Quand vous avez un Premier ministre israélien qui dit qu’il veut défendre les enfants et bébés de la lumière contre ceux des ténèbres, le discours est clair. Il s’agit d’une volonté d’extermination des populations civiles dans la bande de Gaza. A titre personnel, je trouve cela incroyable que les dirigeants du peuple juif qui a subi la Shoah, puissent agir de la sorte et sortir de telles déclarations.
LCDA : Avez-vous l’impression que cette cause peut poser les bases du droit international sur ce qui peut être accepté ou pas par une puissance occupante ?
Hacen Boukhelifa : Le droit international est assez bien équipé. La question concerne son application. On l’a vu au sein de l’ONU. Il y a eu une incapacité des Etats membres à avoir une position commune. Nous ne manquons pas de textes, ni de doctrines de droit international. La CPI a toutes les possibilités pour agir. Elle l’a déjà fait par le passé, notamment contre les dirigeants africains. Certains l’ont même nommé « La Cour Pénale Africaine ». Il est temps que la CPI se saisisse de ces crimes de guerre génocidaires qui visent à effacer une partie du peuple palestinien et d’occuper de manière illégale une terre qui ne leur appartient pas. Le défi de la CPI est de mettre en application tous les textes en sa possession.
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LCDA : Il y a une autre plainte en cours à la Cour Internationale de Justice (CIJ) sur l’occupation israélienne. Quel impact cela peut il avoir sur Israël ?
Hacen Boukhelifa : Cela serait un plus. Bien évidemment, la Cour internationale de justice (CIJ) qui siège aussi à la Haye, règle les conflits entre Etats. Si une telle condamnation venait à voir le jour, cela montrerait qu’Israël est une puissance coloniale occupante avec une politique raciste et discriminatoire contre les Palestiniens. Cette décision aurait un impact important pour la CPI.