Gérald Darmanin à Tunis pour faciliter l’expulsion des étrangers radicalisés
Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a atterri vendredi à Tunis. La lutte contre le terrorisme sera évidemment au cœur de ses discussions avec les autorités tunisiennes, avec notamment la question du renvoi de Tunisiens radicalisés vers leur pays d’origine. Mais, la société civile tunisienne a mis en garde contre l’utilisation des attentats pour « l’augmentation massive des retours collectifs ».
Après Rome, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est rendu à Tunis, deuxième étape de sa tournée méditerranéenne. Il a rencontré le Président de la République Kais Saied, son homologue Taoufik Charfeddine, ainsi que le ministre des Affaires étrangères Othman Jarandi et le chef du gouvernement Hichem Mechichi.
Il leur a notamment présenté une liste de leurs ressortissants en situation irrégulière en France, soupçonnés de radicalisation et que Paris souhaite expulser, a expliqué l’entourage du ministre. S’agissant de la Tunisie, cette liste comporte une vingtaine de personnes, dont Paris réclame l’expulsion. L’expulsion des Tunisiens fichés a jusqu’à présent été refusée en raison des restrictions liées à la pandémie de nouveau coronavirus, indique-t-on de source française.
À lire aussi : En visite à Tunis, Gérald Darmanin entame une délicate mission
Prévue de longue date, cette visite a pris un tour nouveau avec l’attentat qui a fait trois morts dans la basilique de Nice fin octobre. L’auteur présumé est un jeune Tunisien fraîchement arrivé en Europe de manière irrégulière. Au total, 70 % des 231 étrangers en situation irrégulière en France et suivis pour radicalisation sont issus de la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et la Russie.
231 étrangers radicalisés en attente d’expulsion
La coopération en matière de renseignement, de migration irrégulière ou de « terrorisme » est aussi à l’ordre du jour. Après un pic des départs de Tunisie en 2011, suivi d’une forte chute, les tentatives d’émigration illégale augmentent à nouveau depuis 2017. L’été 2020 a ainsi connu un nouveau pic de départ alors que la pandémie a encore fragilisé un pays déjà secoué par l’instabilité politique et la flambée du chômage.
Difficile de savoir si Brahim Aouissaoui, auteur présumé de l’attaque à Nice, s’est radicalisé avant ou après son arrivée en Europe fin septembre, et si l’attaque au couteau a été planifiée avant son départ. Mais, le chef du gouvernement tunisien Hichem Mechichi s’est engagé publiquement à ce que les services de police et de justice coopèrent pleinement avec les autorités françaises.
Lettre ouverte au ministre français
Le calendrier du déplacement, quelques jours après une série d’attentats, place les autorités tunisiennes dans une position délicate. Situation accentuée par la pression exercée par la société civile, qui a écrit une lettre ouverte au ministre français à la veille de son déplacement. « Votre prochaine visite en Tunisie est lourde de menaces contre les migrants.es tunisiens.es en France », estiment les ONG signataires, dont le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, l’Association tunisienne des femmes démocrates ou encore l’Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement.
Les auteurs condamnent d’emblée les « horribles attentats commis à Conflans Saint Honorine, à Nice et à Vienne ». Ils rejettent les « des discours complaisants ou justificatifs » à l’égard du terrorisme et réitèrent leur « attachement aux valeurs universelles des droits humains, de la démocratie et de la liberté ».
Instrumentalisation des attentats
Mais, la lettre dénonce également « les discours haineux propagés par certains responsables, forces politiques et certains médias européens contre les migrants ». Ainsi que, les « amalgames inacceptables visant à rendre les populations musulmanes ou présumées comme telles responsables et coupables ».
En effet, le ministre français de l’Intérieur a suscité la polémique dans la foulée de l’assassinat en réclamant la dissolution d’associations sans lien avéré avec l’auteur du crime. Il s’est aussi attiré des moqueries en se disant « choqué » par les rayons communautaires dans les supermarchés.
De la même manière, les ONG rejettent les pressions contre les pays du sud exercées par « par certains gouvernements européens qui profitent de l’effroi occasionné (…) pour se débarrasser des migrants sans papiers au mépris du droit et de la justice ». Elles font notamment référence à l’accord récent imposé par l’Italie « généralisant le retour forcé collectif au détriment de la propre législation italienne ».
Les auteurs « demandent au gouvernement tunisien de refuser la signature de tout nouvel accord dans le contexte actuel ».