Georges Ibrahim Abdallah entame sa 38e année de détention

 Georges Ibrahim Abdallah entame sa 38e année de détention

Le chef présumé des F.A.R.L. (Fractions armées révolutionnaires libanaises), Georges Ibrahim Abdallah comparaît le 03 juillet 1986 au tribunal correctionnel de Lyon dans le box des accusés pour usages de faux et détention d’armes. AFP PHOTO (Photo by AFP)

Si la « loi française » était respectée à la lettre, le militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah (GIA), âgé aujourd’hui de 70 ans, serait libre depuis longtemps. A deux reprises, la justice française a estimé qu’il pouvait sortir de prison mais à chaque fois, l’Etat français s’y est opposé.

 

Arrêté à Paris en 1984, il est incarcéré depuis 37 ans pour « complicité d’assassinat » de deux diplomates, un Israélien et un Américain. Comme tous les ans, une manifestation de soutien a lieu ce samedi 23 octobre, devant le centre de détention de Lannemezan (65) où il est emprisonné.

Pour comprendre « l’affaire Georges Ibrahim Abdallah », il faut d’abord se replonger 40 ans en arrière. Le 18 janvier 1982, le lieutenant-colonel Ray, l’attaché militaire adjoint des Etats-Unis en France est tué à Paris par les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), un groupe marxiste propalestinien, dont le chef présumé est Georges Ibrahim Abdallah. Le 3 avril, c’est au tour de Yacov Barsimentov, diplomate israélien, de succomber aux balles des FARL.

Au moment de ce double assassinat, la guerre fait rage au Liban. En 1982, une nouvelle intervention israélienne, après celle de 1978 au Sud Liban, se prépare. L’objectif est double : éliminer la résistance palestinienne du Liban et favoriser la victoire des Forces libanaises chrétiennes et l’accès à la présidence de la République de leur chef, Bachir Gemayel, qui s’engage à signer un traité de paix avec Israël.

A l’époque, Yves Bonnet est le patron de la DST. Il est à l’origine de l’arrestation de Georges Ibrahim Abdallah. « Même si je ne cautionne pas ces deux meurtres, je trouve que les FARL avaient le droit de revendiquer ces assassinats comme des actes de résistance », soutient l’ancien député centriste.

« Les deux victimes n’étaient pas des civils mais des agents des services de renseignement. Le premier était du Mossad, l’autre de la CIA. Le Mossad a assassiné pas mal de gens. Quant à la CIA, c’est un vrai feu d’artifice », détaille encore Yves Bonnet.

Jugé en Assises en février 1987, le procès de Georges Ibrahim Abdallah intervient alors que plusieurs attentats endeuillent la capitale française. Quatorze personnes seront tuées, en blessant plus de deux cents autres.

Face à la pression de l’opinion publique, il faut le nom d’un meurtrier et la « piste Abdallah » tombe à pic. Le gouvernement de l’époque, présidé par Jacques Chirac, tente de lui coller sur le dos les attentats aveugles de Paris, mais l’enquête policière va vite démentir ces accusations.

Au départ, quand la police arrête Georges Ibrahim Abdallah, elle ne sait pas à qui elle a affaire. C’est en garde à vue qu’il est identifié comme le chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises. Au même moment, au Liban, les FARL enlèvent Gilles Sidney Peyroles, le directeur du centre culturel français de Tripoli et demande à ce qu’on l’échange avec Georges Ibrahim Abdallah. « J’accepte le deal. Malheureusement pour Georges Ibrahim Abdallah, on trouve, dans le même temps, dans une planque des FARL l’arme qui a servi à tuer les deux diplomates. Donc, le deal tombe à l’eau », se souvient Yves Bonnet.

Georges Ibrahim Abdallah est condamné alors à perpétuité. Depuis 1999, il a terminé la peine de sûreté assortie à sa condamnation, il est donc légalement libérable.

« Trouvez-vous normal qu’il soit toujours en prison quand d’autres, qui ont commis des crimes atroces et qui ont été arrêtés, beaucoup plus tard que lui, soient déjà dehors ? », questionne l’ancien patron des renseignements intérieurs. « Comme par exemple l’assassin de Chapour Baktiar, qui a décapité au début des années 90, l’ancien Premier ministre iranien au couteau, avant de lui couper les mains. Après avoir passé moins de 20 ans en prison, il a été libéré. On pourrait également parler de la libération de Maurice Papon… La France se grandirait en arrêtant de s’acharner sur Georges Ibrahim Abdallah, et en le laissant sortir », embraie ce dernier.

A deux reprises, la justice française a estimé que Georges Ibrahim Abdallah pouvait sortir de prison. D’abord en 2003 où la juridiction régionale de Pau ordonne sa remise en liberté. Il y a une condition, qu’il quitte définitivement le territoire français.

Mais, à la suite de pressions du gouvernement étatsunien, le ministre de la Justice de l’époque intervient pour faire appel de la décision de libération et maintient ainsi Georges Ibrahim Abdallah en prison.

Dix ans plus tard, le 10 janvier 2013, la justice accepte la neuvième demande de libération de GIA. N’ayant pas la nationalité française, ni titre de séjour, il ne lui reste plus qu’à quitter le territoire français. Le 14 janvier 2013, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls refuse de signer l’arrêté d’expulsion de Georges Ibrahim Abdallah. GIA reste donc en prison. « Comme toujours, la France se plie aux exigences des États-Unis et d’Israël », regrette Yves Bonnet.

Depuis vingt ans, des dizaines de parlementaires français (des communistes et des écologistes) plaident en faveur de la libération d’un des plus vieux prisonniers politiques européen.

Le 16 octobre 2013, la Ligue des droits de l’homme qualifie le maintien en détention de Georges Ibrahim d’ « acte arbitraire » et demande également sa libération. En vain. Le 7 septembre 2016, écœuré par le traitement d’exception qu’il subit, Georges Ibrahim Abdallah a demandé à son avocat de cesser d’effectuer des démarches pour obtenir sa libération.