Géopolitique – Les Mollahs à l’assaut de l’Afrique

 Géopolitique – Les Mollahs à l’assaut de l’Afrique

Le nouveau président iranien Ebrahim Raïssi, lors de sa première conférence de presse tenue à Téhéran, le 21 juin 2021. ATTA KENARE / AFP

Africain, entends-tu le vol noir des corbeaux iraniens sur nos plaines ? Rien de mieux pour réveiller les consciences que ce fameux chant des partisans, sauf que cette fois-ci la menace, bien que venant de loin, du pays des Mollahs n’en est pas moins réelle et dangereuse. Sinon pourquoi ce soin maladif pris par la diplomatie parallèle de ce pays à inviter un maximum de chefs d’États africains (dont une dizaine a déjà cédé aux sirènes de la République islamique) à la cérémonie d’investiture d’Ebrahim Raïssi, le 5 août à Téhéran.

 

Alpha Condé (Guinée) et Faure Gnassingbé (Togo), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Nana Akufo-Addo (Ghana), sont déjà inscrits sur la tribune officielle et les services de Mohammad Javad Zarif ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin.

Que cherchent les Iraniens en Afrique ? Tout et n’importe quoi, des contrats d’armes, des alliés contre Israël et l’oncle Sam mais surtout, et c’est ce qui en fait un intrus particulièrement dangereux, à exporter une idéologie, un messianisme chiite qui n’hésite pas à mettre en place des politiques d’ingérence qui inquiètent la plupart des régimes africains.

L’Iran qui arme les opposants les plus irréductibles de nombreux pays cache ce soutien sous le prétexte de trafic d’armes en Afrique ou de diplomatie économique, sachant que les échanges de ce pays avec l’Afrique sont ridicules.

Si le Sénégal avait ainsi rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran suite à la saisie d’une cargaison d’armes à Lagos en 2010, l’Égypte s’inquiète toujours du prosélytisme iranien alors que le Maroc a rompu ses relations avec l’Iran à deux reprises. Une première fois en 2009, à cause de « l’activisme » religieux de Téhéran et la seconde en 2018, sous l’accusation, preuves à l’appui de soutien au Polisario au Sahara, à travers l’aide et la logistique du Hezbollah libanais. Car il faut le dire, le bras armé de l’Iran en Afrique reste le Hezbollah et ses agents actifs qui servent la politique d’influence de Téhéran.

Par exemple en Côte d’Ivoire, le Hezbollah possède une puissante diaspora libanaise d’environ 60 000 ressortissants – soit la plus importante d’Afrique, en grande partie chiite.

Mais le véritable chef d’orchestre reste sans aucun doute le Vevak ou ministère iranien des Renseignements et de la Sécurité́, né sur les cendres de la redoutable Savak, les anciens services de renseignement sous le Shah.

Le Vevak qui est placé sous l’autorité du Conseil suprême de la sécurité nationale (CSSN) et ne rend compte qu’au guide suprême, l’ayatollah Khamenei, traque les opposants au régime mais pratique surtout le contre-espionnage et met ses milliers d’agents disséminés dans les capitales africaines (et ailleurs) au service d’un activisme virulent à l’étranger.

Les officiers de renseignement travaillent à l’étranger sous une couverture diplomatique, et aucun ambassadeur iranien ne peut être nommé à l’étranger s’il n’est pas aussi membre du Vevak.

Quant aux honorables correspondants, ils travaillent à l’étranger, au sein d’associations, d’entreprises ; ils sont aussi étudiants, médecins, hommes d’affaires, journalistes etc. Ayant un faible pour l’opposition islamiste, le Vevak a un service doté de moyens conséquents (le département n° 155 qui soutient à fond les mouvements islamiques dans les pays africains).

Les opérations de contre-espionnage et de contre-ingérence sont aussi du ressort des services de renseignement du Corps des gardiens de la révolution qui s’appuie sur les deux redoutables unités, chargées, l’une du renseignement à proprement dit et l’autre de l’exécution des opérations dont les assassinats ciblés.

Hossein Ta’eb, le patron des organes de renseignement des Pasdaran qui chuchote à l’oreille du guide suprême a aussi la main sur d’autres structures de renseignement : le Bureau 101, la Direction de la sécurité́ des milices Bassidjis, l’Unité du renseignement des komitehs de la révolution islamique, le Bureau de sauvegarde du renseignement de l’armée, entre autres.

En 2000, au cours d’un voyage à Téhéran, j’ai été frappé par un panneau routier à l’intitulé insolite, « Téhéran/Rabat : 6 752 Km », érigé à la sortie de la capitale iranienne. On m’avait expliqué alors que l’exportation de la révolution iranienne étant une priorité du régime, Khomeiny avait ainsi ordonné de symboliser ce souhait de l’idéologie révolutionnaire messianique par ces panneaux des capitales arabes à conquérir. Comme quoi !

 

>> Lire aussi : France/Maroc. A l’ère de la trash politique