Génération identitaire : la dissolution de l’organisation d’extrême droite enclenchée
Le ministère de l’Intérieur a engagé la procédure de dissolution du groupe d’extrême droite Génération identitaire (GI). La place Beauvau lui reproche un « discours de haine assumé » et son organisation en « milice privée ». Une mesure réclamée de longue date par plusieurs associations et partis politiques.
Gérald Darmanin avait évoqué le 26 janvier pour la première fois sa volonté d’obtenir cette dissolution, a annoncé samedi sur Twitter. La procédure est désormais « enclenchée ». Conformément à la loi, « cette organisation a désormais dix jours pour répondre au contradictoire », a-t-il ajouté. Si le contradictoire « n’apporte pas d’éléments nouveaux », le décret de dissolution pourrait être présenté en Conseil des ministres dès le mercredi 24 février, précise-t-on dans l’entourage du ministre.
« Le document qui nous a été remis a été rédigé dans l’émotion (…) On les sent fébriles », a réagi auprès de l’AFP le président de GI, Clément Gandelin dit « Galant ». Le gouvernement « a envie de montrer qu’il n’est pas seulement contre les musulmans », estime-t-il. Il a annoncé une manifestation de soutien à Paris samedi prochain. Son mouvement a mis en ligne une pétition contre sa dissolution qui comptait dimanche soir plus de 22 500 signataires.
« Provocation à la discrimination »
Cette procédure de dissolution intervient alors que le ministère de l’Intérieur a, ces derniers mois, obtenu la dissolution d’associations qu’il accuse de proximité avec la mouvance islamiste (CCIF, BarakaCity, collectif Cheikh Yassine) dans le sillage de l’assassinat de Samuel Paty. Le ministère de l’Intérieur « en est réduit à considérer que la critique radicale de l’immigration illégale serait raciste et xénophobe », a commenté pour sa part à l’AFP Me Gilles-William Goldnadel, qui défend GI.
Dans un courrier de sept pages consulté par l’AFP, le ministère a énuméré plusieurs raisons justifiant de dissoudre l’association. La place Beauvau a d’abord estimé que ses actions relevaient de la « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ». C’est précisément l’un des motifs prévus par le code de la sécurité intérieure (CSI) pour prononcer une dissolution administrative.
L’association, créée en 2012, revendique 2 800 adhérents. Elle présente « l’immigration et l’islam comme des menaces que les Français doivent combattre ». Le groupe entretient en outre « délibérément la confusion entre musulmans, immigrants et islamistes ou terroristes », écrit Pascale Léglise, l’adjointe au directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère.
Elle rappelle notamment « l’acte fondateur » de Génération identitaire, l’occupation spectaculaire du toit d’une mosquée en construction à Poitiers en 2017 en scandant des slogans hostiles aux musulmans. Cinq militants du mouvement d’extrême droite ont été d’abord condamnés en 2017. La justice a ensuite prononcé une relaxe en juin 2020 en appel pour ces faits, jugés prescrits.
Difficile dissolution d’un mouvement européen
Sous couvert d’un discours politique sur la « préférence nationale », ce mouvement met en œuvre une « idéologie xénophobe », ajoute le courrier. Ce dernier cite notamment l’occupation des toits de la Caisse d’allocations familiales de Bobigny en 2019. Ils avaient notamment déployé une banderole « De l’argent pour les Français, pas pour les étrangers ».
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Pour ces faits, la justice a condamné 19 militants en mars 2020 à des peines d’un à trois mois de prison avec sursis. Le ministère de l’Intérieur rappelle aussi les « actions violentes » de GI contre les étrangers, les musulmans en particulier. Il cite notamment l’agression de supporters turcs lors de l’Euro 2016 de football en France.
Les autocollants et T-shirt siglés Génération identitaire retrouvés au milieu d’armes, de munitions et d’explosifs improvisés chez Aurélien Chapeau, mis en examen et écroué dans un dossier antiterroriste, accréditent également selon Beauvau la « capacité d’influence néfaste » de l’organisation, « dont les acteurs de l’ultra droite se revendiquent ».
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Enfin, la dernière action en date de l’association, une opération en janvier destinée à empêcher le passage de migrants entre Luchon (Haute-Garonne) et l’Espagne, démontre sa « volonté d’agir en tant que milice privée », a ajouté le ministère. En 2018, les militants de GI de toute l’Europe avait déjà mené une opération similaire dans les Alpes.
Mais, le groupuscule dispose de ramifications en Europe. Plusieurs branches de Génération identitaire sont actives dans d’autres pays européens. La branche autrichienne avait ainsi provoqué la polémique en admettant avoir reçu un important don financier de la part de Brendon Tarrant, le terroriste de Christchurch.