Tunisie/Maroc. L’opposition tunisienne dénonce une diplomatie de l’alignement

 Tunisie/Maroc. L’opposition tunisienne dénonce une diplomatie de l’alignement

Au lendemain de l’incident diplomatique survenu suite à l’accueil officiel à Tunis du chef de l’entité séparatiste Polisario, loin de retomber, les tensions entre les autorités tunisiennes et marocaines s’accentuent.

 

La Tunisie a ainsi convoqué à son tour son ambassadeur au Maroc « pour consultations », samedi 27 août, en vertu du principe de réciprocité. Une décision qui intervient dans la foulée du rappel de l’ambassadeur marocain à Tunis, Hassan Tarek, et ce après la réception du chef du Front Polisario, Ibrahim Ghali, par le président de la République Kais Saïed dans le cadre du Sommet international de Tokyo pour le développement en Afrique (TICAD 8).

 

Décalage entre les déclarations et les actes ?

Dans son communiqué, le ministère tunisien des Affaires étrangères a exprimé son « profond étonnement face à ce qui a été mentionné dans le communiqué du Royaume du Maroc », évoquant « une atteinte inacceptable contre la République tunisienne ainsi qu’un malentendu concernant la participation (du Polisario) au sommet ». La diplomatie tunisienne a par ailleurs souligné que la Tunisie « maintient sa complète neutralité sur la question du Sahara… dans le respect de la légitimité internationale. Une position ferme qui ne changera pas, tant que les parties concernées n’auront pas trouvé une solution pacifique acceptable pour tous ».

Toujours selon le ministère tunisien, « la Tunisie a respecté toutes les procédures d’organisation liées au sommet, conformément aux références juridiques africaines relatives à l’organisation des sommets, des conférences et des réunions de partenariat ».

Cependant, selon une note révélée ce weekend émanant de la mission du Japon auprès de l’Union africaine, « une lettre d’invitation dument cosignée par le Premier ministre japonais Kishida Fumio et le président tunisien Kais Saïed, est l’unique invitation valide pour prendre part au Sommet Ticad 8 ». Cette déclassification d’une note verbale, sous forme de désaveu, semble indiquer que le Japon a donc bien clarifié en amont, dès le 19 août, les modalités d’invitation au sommet qu’il co-supervise.

>> Lire aussi : Sahara. L’abstention controversée de la Tunisie au Conseil de sécurité

Quoi qu’il en soit, à l’image de son homologue marocain, le ministère des Affaires étrangères tunisien réaffirme son souci de « préserver ses relations amicales, fraternelles et historiques avec le peuple marocain ».

 

L’opposition met en garde contre les répercussions d’un « conflit ouvert » avec Rabat

Pour le militant politique Chokri Jlassi (Courant démocrate, centre-gauche), « la position historique et invariable de la Tunisie sous le règne de tous les régimes avant et post révolution ne reconnaît pas l’entité Front Polisario séparatiste. Les peuples de la région rêvent d’unir le Maghreb arabe et non pas de le diviser davantage. Toute position diplomatique déviante de l’actuelle autorité putschiste n’engage en rien la Tunisie ».

Pour l’universitaire Wahbi Jomaa, les choses pourraient être plus complexes qu’il n’y paraît. « Il y a quelques jours (le 20 août) dans un discours adressé au peuple marocain, le Roi Mohammed VI du Maroc a littéralement déclaré : « Que ce message clair parvienne au monde entier : le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement et le critère clair et simple par lequel il mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats.[…] Certains des partenaires traditionnels et nouveaux du Maroc adoptant des positions peu claires concernant la marocanité du Sahara doivent clarifier leurs positions de manière non équivoque. Ce que Kais Saïed et les diplomates tunisiens ont fait lors de la réception officielle du chef du Front Polisario est-il une réponse claire à l’appel du Roi Mohammed VI ? Quiconque comprend ces fameuses nouvelles approches de la diplomatie tunisienne, veuillez je vous prie éclairer ma lanterne… », ironise Jomaa.

L’économiste Moez Joudi explique pour sa part la teneur de la réaction marocaine y compris par des questions protocolaires, tout en soulignant les cafouillages de la communication de Carthage a posteriori :

 

Pour l’éditorialiste Mohamed Bakkali, la volonté de rupture du président Saïed entraîne la Tunisie dans une très nuisible politique des axes et de l’alignement avec le grand voisin algérien.

Sur Twitter, des cyberactivistes marocains ont quant à eux lancé une campagne de boycott des produits d’importation en provenance de Tunisie.

Au moment où diverses fédérations sportives (karaté, handball, etc.) ont d’ores et déjà annoncé leur boycott de futurs tournois organisés en Tunisie, le spectre du retrait du pays de grands groupes bancaires marocains à l’image d’Attijari Wafa Bank (qui totalise près d’1 million de clients en Tunisie) est quant à lui formellement démenti par une source de la hiérarchie administrative de la banque.