Yamina Benguigui au Tribunal
Au tribunal, Yamina Benguigui doit s’expliquer sur ses « omissions » de patrimoine. En cause, la dissimulation supposée de parts qu’elle possédait dans une société belge.
Yamina Benguigi est la première responsable politique à se faire attraper par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), une instance créé à la suite de l’affaire Cahuzac. Le tribunal soupçonne l’ancienne ministre d’avoir dissimulé les parts qu’elle possédait dans une société belge, achetées un euro mais qui ont pris de la valeur par la suite.
« La loi est dure, mais c’est la loi » a déclaré le procureur Jérome Marilly selon Médiapart qui rapporte les faits. A l’encontre de l’ancienne ministre il a requis quatre mois de prison avec sursis et 15.000 euros d’amende.
« Elle s’est faite "cahuzaquer" »
Dénonçant « une justice de classe à rebours » et « une forme de poujadisme », l’avocat de Yamina Benguigui a plaidé la relaxe. Me Dupont-Moretti souhaiterait faire de cette audience le procès de la HATVP et des nouvelles lois sur la transparence qu’il juge « totalement confuses ».
« La première affaire de la HATVP est un fiasco, a déclaré l’avocat. Si judiciairement vous consacrez une erreur matérielle comme une infraction, c’est extrêmement inquiétant pour la démocratie ». Pour l’instant une dizaine de dossiers ont été déclarés à la justice par la HATVP dont celui épineux de Patrick Balkany.
Pour l’avocat, Yamina Benguigui s’est faite « cahuzaquer » car la Haute autorité « n’avait rien à se mettre sous la dent ». Une version confirmée par Yamina Benguigui à la barre qui assure n’avoir rien dissimulé, « c’est l’ADN de ma vie : je ne cache rien, c’est impossible ».
Un étrange « contrat de cession »
Médiapart est remonté quelques années en arrière et certains détails paraissent troublants. En 2005, la réalisatrice devient directrice artistique et générale de Bandits, la société qui produit ses films, dirigée par Philippe Dupuis-Mendel. Il lui propose d’acquérir pour un euro symbolique 20% de la holding en Belgique (G2), pour laquelle elle devient administratrice.
Suite à son élection au conseil de Paris en 2008 elle doit remplir une première déclaration de patrimoine pour la HATVP. Une époque où rien n’est encore rendu public. Yamina Benguigui ne déclare pas ses parts prises dans cette société belge. Au Tribunal elle avance un argument, « la société rencontre des difficultés terribles. C’est 20% de dettes ! On ne pense à déclarer que ce qui vaut quelque chose ». Une réalité à l’époque.
Sauf qu’en 2012, une fois ministre, elle remplit un nouveau formulaire, sans indiquer ses parts en Belgique. Problème, en juillet 2012 ces 20% ne valent plus un euro, elles sont estimées à plus de 900.000 euros. Ce qui lui a valu fin 2012 de voir le fisc redresser son ISF (impôt de solidarité sur la fortune).
L’année suivante, nouvelle déclaration et rebelote, malgré le redressement fiscal Yamina Benguigui ne déclare toujours pas ses parts en Belgique. Sauf que cette fois elle a une raison, elle vient de les céder à Philippe Dupuis-Mendel par le biais d’un étrange « contrat de cession ». Les parts, qui ont pris beaucoup de valeur, sont vendues pour la somme symbolique d’un euro contre le droit de les récupérer au même tarif quand elle souhaitera.
« C’est une convention de partage destinée à masquer le véritable propriétaire de ces actions. (…) Elle s’apparente à une volonté de faire sortir ces actions fictivement du patrimoine de Yamina Benguigui pendant un certain temps » estime le procureur de la République.
« De la négligence, pas d’élément intentionnel de dissimulation »
Dernier point de reproche du Tribunal, la nouvelle omission de la ministre en 2014 alors qu’elle vient de vendre le 29 janvier 2014 ses parts pour un montant de 430 000 euros. Son avocat de l’époque expliquant qu’il pensait devoir déclarer ce qu’elle possédait avant le 31 décembre 2013 (les parts appartenaient à Dupont-Mendel).
C’est en mars 2014 que Yamina Benguigui fournira, enfin, une déclaration de patrimoine complète à la HATVP.
A l’audience son avocat joue la carte de la « négligence ». « Il n’y a pas d’élément intentionnel, de dissimulation. Le fisc a été informé de tout » et il ajoute qu’après son redressement sur l’ISF, sa cliente « a payé bien plus d’impôts que ce qu’elle aurait dû ».
« Nous ne parlons pas d’enrichissement personnel, ni de décoffrage d’un compte dans un paradis fiscal, a reconnu le procureur. Nous n’accusons pas madame Benguigui de malhonnêteté ».. Voilà pourquoi aucune peine d’inéligibilité n’a été réclamée mais Jérôme Marilly souligne que « l’argument de la légèreté n’est pas recevable quand on est ministre et soumise à une obligation de transparence absolue ».
Verdict prévu pour le 23 septembre.
Jonathan Ardines