Une journaliste de la Gazette en Yvelines virée pour un Tweet
Depuis son licenciement, survenu le 19 octobre 2016, Marie-Carolyn Domain, se demande toujours « comment elle a pu être virée aussi brutalement ». « J’ai été mise à la porte pour un simple tweet. Un simple tweet… », souffle de dépit Marie-Carolyn.
Tout démarre plutôt bien pour cette jeune journaliste de 32 ans, pigiste depuis 2010, "ravie de pouvoir enfin signer son premier contrat à durée déterminée " le 25 août dernier avec la Gazette en Yvelines, un magazine local gratuit qui paraît chaque mercredi. Un contrat de six mois qui peut, pourquoi pas, "déboucher sur un emploi durable", se dit-elle.
Pour une fois, Marie-Carolyn va pouvoir exercer à temps complet le métier qu'elle aime, parce que depuis sa sortie de l'école de journalisme en 2012, elle "galère un peu", avoue la trentenaire, maman d'un petite fille de 4 ans.
"Mes piges mensuelles ne m'ont jamais permis de vivre", précise Marie-Carolyn, obligée donc d'occuper un second emploi. Surveillante dans un collège, elle postule à l'offre de reporter à la Gazette en Yvelines et finit par décrocher le poste. "Je me suis vite intégrée à la rédaction. Il y avait une bonne ambiance", se souvient Marie-Carolyn.
"Avant ce tweet, on n'avait rien à lui reprocher. Que ce soit professionnellement ou humainement", confirme le directeur de publication Lahbib Eddaouidi, qui n'hésitera pas pourtant à se séparer de sa journaliste après avoir pris connaissance du fameux tweet, responsable donc du licenciement de la jeune femme.
L'affaire du tweet commence le 27 septembre quand Marie-Carolyn Domain se rend à Poissy ( 78 ) pour assister à une réunion publique organisée par le maire LR de la ville. Objet de la rencontre : la désertification médicale. Le docteur Christian Lehmann est présent. Marie-Carolyn Domain trouve son intervention pertinente. De retour au bureau, elle propose de rédiger une interview de ce dernier. Refus du chef, qui "préfère un angle plus institutionnel", relate Marie-Carolyn.
Le 2 octobre, la journaliste retweete un article du Courrier des Yvelines, l'autre hebdomadaire du département, qui donne largement la parole au Dr Lehmann. Marie-Carolyn y ajoute ce commentaire : "L’article que j’aurais aimé faire… mais on m’a dit oui mais non… ". C'est ce tweet qui déclenche la colère de Lahbib Eddaouidi.
"Avec ce tweet, elle a dénigré plus ou moins la Gazette en Yvelines", dit de manière assez floue le directeur de la publication, qui décide d'agir très vite afin de se débarrasser de sa journaliste. Dès le lendemain, en plein bouclage du magazine, il annonce à Marie-Carolyn sa mise à pied, ainsi que son futur licenciement.
"Nous n'avions pas d'autre choix que de prendre des sanctions à son encontre. C'est une procédure habituelle. Toutes les rédactions auraient agi de la même manière. Nous aurions compris si Marie-Carolyn avait tenu de tels propos au sein de la rédaction. Nous sommes bien entendu ouvert au débat. Mais critiquer son employeur publiquement, ce n'est pas acceptable", rappelle Lahbib Eddaouidi.
"C'était violent et vexatoire : tous mes collègues étaient présents. J'ai essayé de contester les faits. Je voulais qu'on en discute mais M. Eddaouidi n'a rien voulu entendre. Pour moi, je n'ai pas dénigré la Gazette. J'ai juste dit que je trouvais dommage de ne pas avoir pu faire l'interview du docteur Lehmann", maintient la journaliste, à qui il est interdit, à sa grande surprise, de revenir sur le lieu de son travail, à cause des "risques que ferait courir à l’entreprise et aux autres salariés (sa) présence dans (les) locaux", comme il est indiqué sur la notification de mise à pied conservatoire.
L'entretien préalable de licenciement a lieu le 14 octobre. Comme le permet la loi, Marie-Carolyn est assisté d'un conseiller du salarié. "M. Eddaouidi m'a de nouveau exposé les reproches qu'il avait à mon encontre, à savoir les tweets en question, me précisant "vous dénigrez l'entreprise sans aucune raison", ajoutant que je tweetais l'article d'un concurrent, mais la Gazette en Yvelines est un gratuit donc il ne peut pas être en concurrence avec les autres", raille Marie-Carolyn.
Licenciée pour "faute grave" le 19 octobre, Marie-Carolyn a envoyé plusieurs courriers au directeur de publication pour contester les faits. En vain. Déterminée, Marie-Carolyn Domain promet de porter l'affaire devant les Prud'hommes. "Pas question de ne rien faire face à cette injustice", conclut la jeune maman.
Nadir Dendoune