Une gouvernance mondiale des migrations est-elle possible ?

 Une gouvernance mondiale des migrations est-elle possible ?

BULENT KILIC / AFP


« En 2015, 65 millions de personnes ont été forcées de se déplacer à cause des conflits, des persécutions et des catastrophes environnementales », voici un des chiffres révélés lors du colloque organisé à l'occasion du 25ème anniversaire du Secours Islamique France. 


Au fil des discussions ayant eu lieu autour de l'événement, il est apparu que de tels chiffres indiquent bien un enjeu planétaire et les solutions doivent être à la hauteur. Ainsi de nombreux acteurs des associations humanitaires, ONG et autres, se penchent de plus en plus sur la question d'une gouvernance mondiale des migrations.


 


Les pays du Nord sont de mauvais élèves


Comment se définirait une gouvernance mondiale ? Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche, spécialiste des migrations internationales au CNRS/Sciences Po – CERI, pose clairement les bases : « L'idée de la gouvernance c'est mettre autour de la table, les pays de départ, les pays


d'accueil et tous ceux qui ont un intérêt dans les questions migratoires. Ça peut être les syndicats, les employeurs, les associations de défense des droits de l'homme… pour faire apparaître des normes qui s'imposeraient aux états ». Une vision utopiste ? Pas tant que ça, d'autant plus que, comme le précise la scientifique présente au Sénat pour les 25 ans de Secours Islamique, les bases ont déjà été posées.


Le problème est la réticence de certains Etats : « Il faut que plus d’Etats signent la convention des Nations unies de 1990 sur les droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles. Aujourd'hui, une cinquantaine d'Etats sont signataires mais tous du Sud, aucun pays du Nord n'est signataire de cette convention ». Il semblerait que le fait de signer une convention donnant quelques droits aux « sans-papiers », pose bien un problème à des Etats dans lesquels la politique d'accueil ne respecte justement pas scrupuleusement tous les droits…


 


Cohérence


Avant de s'attaquer au Monde, Sara Abbas, directrice de l'Organisation internationale des migrations France (OIM), pose la question au niveau européen, où les politiques sont loin d'être uniformisées. L'OIM travaille sur ce point : « Des pays européens ont, ou vont, organiser des formations au niveau ministériel, avec l'aide de l'OIM, dans le but d'engager des discussions autour des enjeux migratoires. Dans le but d'avoir une meilleure cohérence dans les politiques migratoires ». Travailler à l'échelle ministérielle peut-il être efficace, surtout lorsque l'on constate que jusqu'ici les états n'ont pas réellement bougé sur leur politique migratoire.


Pour Pascal Brice, directeur de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la solution pourrait venir de la base, du « bas de l'échelle », des collectivités locales : « Un certain nombre de collectivités locales, São Paulo entre autres, mais d'autres à travers le monde, ont une politique d'accueil des migrants et il me semble qu'il y a une piste entre acteurs de la société civile et acteurs collectivités locales pour essayer de construire des propositions de droit ».


Au niveau international, comme au niveau national avec l'échéance des élections présidentielles, la question des migrations est présentée comme un problème, alors que tous les éléments sont disponibles pour que ce n'en soit pas un comme le confirme Amal Abou El Ghayt, responsable plaidoyer et relations extérieures du Secours Islamique France : « Toutes les composantes qui pourraient faire cette gouvernance mondiale des migrations existent, le tout c'est de se mettre d'accord et d'avoir un engagement commun (…) Pas qu'une gestion migratoire, il faut une volonté politique »…


CH. Célinain