Une campagne spectaculaire contre l’insulte raciste le jour des élections présidentielles
#jeffaceleracisme, une campagne contre le racisme, et particulièrement contre l’insulte raciste, menée par le Conseil représentatif des associations noirs (CRAN). Le point d’orgue de cette campagne aura lieu le jour du premier tour des élections présidentielles : un homme totalement tatoué d’insultes se promènera dans les rues de Paris pour amener les électeurs à réfléchir sur l’importance de l’insulte raciste et sur l’importance de leur vote. Louis-Georges Tin, président du CRAN, nous en dit un peu plus.
LCDL : En quoi consistera votre action le jour du premier tour des élections présidentielles ?
Louis-Georges Tin : C'est un tatouage éphémère. Il y a marqué racaille sur son front, macaque, ça pue, rentre chez toi. nous avons pris des pros, nous avons passé une journée entière. Dimanche matin tôt, nous allons le tatouer et il pourra aller dans les rues de Paris, les adresses restent à fixer. Nous irons devant des bureaux de vote, place de la république, pour dire aux gens votez comme vous voulez mais votez contre le racisme. Après chacun comprendra ce qu'il voudra. Nous voulons simplement rappeler aux français, le jour du vote, que la lutte pour l'égalité et donc la lutte contre le racisme fait partie des valeurs.
Pourquoi focaliser sur l’insulte raciste ?
L'insulte raciste n'est pas un acte anodin, ce n'est pas quelques mots en l'air. Ce sont des mots qui laissent des traces comme les tatouages sur la peau. Et ce sont aussi des mots qui mènent au pire.
Dans la Loire, un petit garçon a été tabassé dans une école et a eu une ITT de 14 jours et qui est aujourd'hui suicidaire. Ça faisait trois ans que ses camarades l'insultaient, le harcelaient puis le frappaient. Il a fallu que le médecin de famille lui-même, et la mère, interpelle la directrice de l'école qui ne faisait rien malgré les plaintes de la mère. Il a fallu interpeller l'inspection académique pour que quelque chose commence à bouger. Au fond tout cela a commencé avec des insultes que personne n'a arrêté et c'est très souvent ce qu'il se passe. Quand on dit « Bamboula », c'est acceptable, même affectueux, selon les dires d'un magistrat. A partir du moment où on commence à se permettre l'insulte, c'est-à-dire de considérer que l'autre est inférieur, à partir de ce moment-là on peut faire ce qu'on veut. Il faut absolument stopper les choses à cette étape-là, parce que dans beaucoup de dossiers que nous traitons nous voyons que tout commence avec l'insulte. C'est pour ça que nous faisons cette campagne sur l'insulte, parce qu'en fait, personne n'est jamais condamné pour insulte en France. Sur le racisme on peut se faire condamner mais sur l'insulte, si quelqu'un dit « sale arabe » et que la personne visée va voir les policiers, ça m'étonnerait qu'ils enregistrent la plainte. Ça m'étonnerait que ce soit condamné. C'est dans la loi, c'est un délit et tout délit mérite d'être condamné. De plus, c'est un délit qui appelle des délits encore plus graves. L'insulte est l'autoroute vers tout le reste.
Comptez-vous vous associer à d’autres associations pour élargir la portée du message ?
Là, c'est le racisme anti-noir mais pas seulement. Nous avons mis « voleur » sur le bras du mannequin, ce sont plutôt les arabes qui sont désignés dans ces termes. Sur le front nous avons mis « racailles », là ce sont souvent les noirs et les arabes qui sont désignés.
La question de l'égalité ne se partage pas. C'est non seulement pour toutes les formes de racismes, mais aussi pour toutes les discriminations. C'est vraiment une campagne du CRAN. Nous pouvons avoir des formats très très larges. Par exemple nous avons fait une campagne pour les droits sur les actions de groupe contre les discriminations, d'ailleurs nous avons gagné puisque la loi a été votée en novembre dernier. Là, le collectif que nous avions réuni comprenait des associations féministes, sur le handicap, sur l'âge, sur l'orientation sexuelle etc… Selon la nécessité du moment nous pouvons être sur des formats très différents (…) Le CRAN est plus universaliste que certains universalistes présumés.
A partir de quel moment considérerez-vous que la campagne est un succès ?
On ne peut pas mesurer l'efficacité d'une telle campagne. Le lendemain, on peut voir le nombre de personnes qui ont liké la campagne mais ça ne change pas grand-chose par rapport au racisme, il faut être honnête. La sensibilisation c'est comme l'éducation. Quand vous éduquez un enfant vous ne pouvez pas dire « il a eu 12, 15 ou 8 sur 20 » et penser que c'est le seul critère pour évaluer l'impact, vous pouvez marquer un enfant à vie, en positif ou négatif, sans que ce soit lié à la note qu'il a eu. C'est toujours difficile sur ces choses très qualitatives, d'évaluer l'impact, je ne m'y risquerai pas. C'est pas parce qu'on a 1000, 3000 ou 5000 likes que la campagne est réussie. Il y a des campagnes plus concrètes. Sur les actions de groupes, quand on a une loi on a réussi, quand il n'y en a pas on a échoué. Sur les choses plus qualitative, nous ne pouvons pas vraiment mesurer l'impact mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas le faire. Si nous ne faisions que des choses mesurables dans la vie, il y a beaucoup de choses qu'on ne ferait plus du tout.
Propos recueillis par CH. Célinain