Un livre pour déconstruire les clichés sur les Noirs
Lutter contre les préjugés en commençant par casser un certain nombre de clichés qui ont la vie dure, même en 2017. C’est un peu le pari que se sont fixés Serge Bilé et Mathieu Méranville, à travers leur l’ouvrage : « Les Noirs, clichés et préjugés – De l’époque coloniale à nos jours ».
Ce livre fait tomber les clichés un à un, chapitre après chapitre, calmement mais sûrement. Les auteurs documentent leurs propos, appuient leurs déconstructions en règle des préjugés sur les Noirs par des éléments factuels et historiques. En somme, incontestables.
Et rien de mieux qu’une série de truismes pour aller à rebours de ces clichés tenaces, qui ont le cuir durci par les années, et prouver, comme on peut le lire dans la préface de cet ouvrage, que « l’homme fait partie de l’histoire du monde », clin d’œil, s’il en faut, à un certain discours de Dakar…
Mensonge répété siècle après siècle
Les auteurs ont décidé de s’attaquer à une série de 10 stéréotypes, en les illustrant par ce qu’ils appellent « des pépites » issues de l’actualité qu’ils n’ont malheureusement pas eu besoin de beaucoup chercher. A commencer par le fameux « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre » du parfumeur Jean-Paul Guerlain, prononcé sur le plateau du JT de France 2, en présence à peine gênée de Elise Lucet. C’était en 2010, il n’y a pas si longtemps. L’homme d’affaire sera plus tard condamné à 6 000 euros d’amende, pour injure raciale. Cette phrase de Guerlain permet aux deux auteurs de déconstruire le cliché selon lequel « Les Noirs sont paresseux ».
Dans un livre de géographie de 1930, qui évoque les « Nègres », on peut lire cette phrase : « ils sont en général indolents, mobiles, vaniteux ». Ce « mensonge » a été répété « siècle après siècle », nous rappellent Serge Bilé et Mathieu Méranville, en soulignant la citation d’Albert Einstein : « Il est plus facile de désintégrer un atome, qu’un préjugé ».
« Bâton d’Ishango »
On trouve ensuite le chapitre « Les Noirs sont bons en sport » qui nous remémore le fait que Pierre de Coubertin considérait que « les races sont de valeur différente » et que la route a été longue avant de voir Tommie Smith, un athlète noir, lever le poing lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Il y a bien sûr l’inénarrable « les Noirs ont un grand sexe », doublé du « fantasme » selon lequel les Noirs seraient des « êtres lubriques ».
Sans oublier le sympathique « Les Noirs sont de grands enfants », dont les illustrations les plus parlantes sont peut-être le « Y’a bon Banania » encore récemment imprimé sur des bols de petit-déjeuner ou encore, outre-Atlantique, le sirop d’érable familial « Aunt Jemina ».
Enfin, last but malheureusement not least, « Les Noirs n’ont jamais rien inventé ». Entre autres, Serge Bilé et Mathieu Méranville rappellent que le « bâton d’Ishango », qui serait le premier système de comptage de l’humanité, provient d’ossements découverts en 1950 près du Lac Edouard, au Congo.
Chloé Juhel
« Les Noirs, clichés et préjugés – De l’époque coloniale à nos jours », de Serge Bilé et Mathieu Méranville, paru aux éditions L’Archipel