Journées Cinématographiques de Carthage : que reste-t-il de l’héritage de Tahar Chériaa ?
Du 28 octobre au 5 novembre prochain se tiendra le 50ème anniversaire des Journées Cinématographiques de Carthage. Pour cette occasion, l’Institut du monde arabe a projetait le11 octobre le documentaire consacré à Tahar Chériaa, fondateur de cet événement, intitulé "Tahar Chériaa, à l’ombre du Baobab". Cette figure du cinéma africain a œuvré pour le développement de celui-ci; mais que reste-t-il de son héritage ?
Pour toute l’Afrique
1966, Tahar Chériaa lance les premières journées cinématographiques de Carthage (JCC) avec une idée en tête : convaincre qu’il était possible de créer une compétition pour le cinéma de l’Afrique et du monde arabe et ainsi « inverser le rôle de Cannes et de Berlin ». Cette première était le point de départ d’une nouvelle vision pour le cinéma africain. « Qui tient la distribution, tient le cinéma » avait l’habitude de dire Chériaa.
Son influence croissante sur l’industrie du cinéma tunisien a poussé Hollywood, qui avait des accords avec les salles de projection tunisienne, à boycotter le pays. Dans la continuité de cet événement, en 1969, les grandes industries américaines (Warner, Paramount…) serait à l’origine de l’emprisonnement injustifié de Tahar Chériaa pour « subversion politique clandestine ». Il sera relâché six mois plus tard pour « non lieu ».
Accompagné de plusieurs personnalités du cinéma africain, dont Sembéne Ousmane, Tahar Chériaa pose les bases du panafricanisme cinématographique : « Ce groupe de pionniers ont fait leur maximum, je ne sais pas s'ils ont réussi, si la situation a changé depuis 50 ans, mais ils se sont rencontrés sur un même rêve et ils voulaient que le cinéma serve à quelque chose, à l'éveil de peuples opprimés et colonisés » explique Mohamed Challouf, réalisateur du documentaire.
Quel héritage ?
« Aujourd'hui, les salles de cinéma n'existent quasi plus en Afrique. Le cinéma que l'on fait est visible uniquement dans les festivals. Même en Tunisie, on compte les cinémas sur les doigts de la main. Nous sommes devenus les consommateurs de ce que les télévisions publiques ou privées proposent » se désespère Mohamed Challouf.
Six après sa mort, que reste-t-il de l’héritage de Tahar Chériaa ? Pour le réalisateur du documentaire, l’urgence, pour le cinéma africain, est de constituer des archives cinématographiques : « Beaucoup de films n'ont pas eu la chance d'être achetés ou conservés par la cinémathèque, donc nous sommes en train de chercher à conserver nos négatifs nos films dans cette situation post-pellicule (…) Il est vraiment très difficile d'avoir accès notre mémoire (…) La majorité des pays africains n'ont pas de cinémathèques et qui dit cinémathèques, dit la possibilité de préserver et conserver nos archives ».
Un enjeu essentiel dans lequel les JCC ont leur rôle à jouer en favorisant le dialogue entre les cinémas d’Afrique : « Nous voulons donner une autre vie à notre patrimoine et à notre cinématographie à travers des œuvres de restauration, et de sauvegarde du patrimoine. C'est un devoir envers nos pionniers d'essayer de continuer à faire ça avec tous les gens de bonne volonté ».
F. Duhamel