Tarek Benaoum, calligraphe : une vie dédiée aux belles lettres (Interview)

 Tarek Benaoum, calligraphe : une vie dédiée aux belles lettres (Interview)

Tarek Benaoum


L'institut des cultures d'Islam (ICI), en partenariat avec Quai 36, propose de parcourir les rues du 18ème et 10ème arrondissement de Paris à la découverte du street art (Du 18 novembre au 20 janvier). La visite commencera par une œuvre de 350m² réalisée sur la façade de l'ICI par l'artiste Tarek Benaoum. Né au Maroc, ayant vécu toute sa vie à Paris, dans le 20ème arrondissement, c'est là qu'il a développé sa passion pour le graffiti, puis pour la calligraphie. Ce dernier nous parle de son œuvre et de sa vision de son art.


LCDL : Comment est né ce projet de fresque sur la façade de l'ICI ?


Tarek Benaoum : Je suis en relation avec Quai 36, qui était une association qui est maintenant une société de production, qui s'occupe de remettre l'art dans les gares, plus particulièrement, puisqu'ils ont commencé comme ça. Ils ont eu pas mal d'appels à projet avec les gares comme Gare de Lyon, Gare du Nord…


J'ai rencontré Jonas Ramuz qui est le président de cet acteur de production dans la vie urbaine. Je l'ai rencontré par hasard, il était avec Brusk qui faisait une fresque, je me suis présenté, nous avons bien accroché. Il m'a mis sur deux projets : La gare Saint-Denis, il y a un an, et l'institut des cultures de l'Islam. Et le nouveau projet de la rue Léon qui est une fresque de 350 m². J'ai eu un coup de cœur pour Quai 36, ils sont humains, vraiment cool. Ils aiment beaucoup mon boulot, ça se passe bien.


Le fait que vous fassiez de la calligraphie a-t-il influé sur le choix de vous confier ce travail ?


Je pense que c'est par rapport à ça. Ma calligraphie est très arabisante même si c'est de la calligraphie latine, française. Ce sont des écritures françaises que j'arabise. Ça se marie bien avec le lieu, l'institut des cultures de l'Islam, il y a une corrélation parfaite. Plutôt que de faire du figuratif, la calligraphie était peut-être plus appropriée, c'est quand même un art ancestral, surtout dans le monde musulman. En fait, ce projet s'est fait très vite, en deux ou trois mois, via un budget participatif lancé il y a deux ans. Maintenant j'ai un mur à Paris, c'est une sorte de reconnaissance de mon travail. 


Que représente cette réalisation ?


Je me base toujours par rapport au texte. Je prends un texte qui parle du lieu, qui parle de moi aussi ou de quelque chose qui me touche, c'est très important, ce ne sont pas que des formes abstraites. Il y a la continuité d'un texte que j'utilise, dans cette fresque, de bas en haut, et après je continue avec les cercles. Ici c'est un texte d'Hélène Cixous, une grande romancière française. Ce passage-là m'a touché parce que c'était sur la délicatesse d'écrire, sur la mort et sur le fait que tout soit éphémère.


Comment êtes-vous passé du graffiti à la calligraphie ?


Pour moi, c'est un peu logique. Le graffiti c'est de la calligraphie même si on utilise un autre médium, une autre manière d'écrire, une autre manière de signer mais ça reste un geste calligraphique. A seize ans j'ai pris un cours de calligraphie avec Kitty Sabatier qui m'a dit "t'as une patte, t'as un truc", elle a eu les bons mots pour me motiver. Elle m'a invité dans la même école où elle avait suivi des cours. Six ans après je me suis débrouillé à faire cette école qui s'appelle le scriptorium de Toulouse de M. Bernard Arin, où pendant quatre ans, j'ai gratté du papier, appris les écritures et, par la suite, j'ai développé des écritures un peu plus personnelles.     


Avez-vous observé une différence d'accueil selon que vous vous présentez en tant qu'artiste graffeur ou artiste calligraphe ?


Je ne suis plus vraiment dans le graffiti donc la question ne se pose même plus. J'ai toujours fait la différence entre les deux. J'ai toujours fait du graffiti dans la rue, en vandale, du train, des camions… Et j'ai développé ma calligraphie à côté. Après il y a un mélange des deux qui se fait, parce que j'utilise aussi quelques média du graffiti dans mes calligraphies. Les bombes par exemple, je ne les utilise pas telles quelles, je les vide pour prendre l'encre dorée ou argentée et je travaille au pinceau. C'est un tout autre boulot et j'ai toujours voulu différencier le graffiti que je peux faire, que je fais encore et que j'ai pu faire, de ma calligraphie.


CH. Célinain 


Lundi prochain (20 novembre), Tarek Benaoum se rendra à Rabat pour un projet avec la bibliothèque nationale du Maroc.


« Sur la piste du street art, visite guidée avec Quai 36 » du 18 novembre au 20 janvier, avec l'Institut des cultures d'Islam (Paris 18e)