« Soit tu pars travailler en Espagne, soit c’est la porte », Mustapha salarié de Go voyages
Malika, qui craint des représailles, préfère garder l'anonymat. Plus de dix ans chez Go voyages et aujourd'hui, elle n'a que ses yeux pour pleurer. "Tu te donnes à fond pour ton boulot et puis du jour au lendemain, tu apprends que c'est fini", dit écœurée cette Parisienne.
Le groupe Odigeo dont fait partie Go voyages, mais aussi Liligo, eDreams, Opodo et Travellik a annoncé début juin un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui a mis en colère l'ensemble des salariés. Go voyages est la principale concernée par ce second PSE.
En 2015 déjà, une centaine de salariés avaient été licenciés après un premier plan social.
Pourtant le groupe Odigeo se porte plutôt bien. Selon nos confrères de l'Echo touristique, sur l’exercice clôturé le 31 mars dernier, il a affiché un bénéfice net de 10,5 millions d’euros et des profits en croissance chaque année de 12%.
"Go voyages est le leader en France dans la vente de billets d'avion sec", rappelle Malika. "Mais ils en veulent toujours plus" soupire cette trentenaire. Et pour en avoir toujours plus, Odigeo a décidé de faire comme tant d'autres groupes avant lui et de délocaliser une grosse partie de ses activités à l'étranger.
"Le coût du travail en Espagne est beaucoup plus avantageux qu'en France. Si on ajoute le niveau du S.M.I.C sur place inférieur au nôtre, le calcul est vite fait", peste Mustapha, un autre salarié de Go voyages, qui s'exprime sous un autre emprunt.
"La direction est venue voir des personnes du marketing qui ont toute leur vie à Paris, en leur disant que si elles n'allaient pas s'installer en Espagne, c'était la porte", continue furieux le jeune homme. "La direction justifie ce plan social en disant qu'elle n'a pas d'autre choix si le groupe veut maintenir son niveau de compétitivité", lâche-t-il.
Ce dernier raconte encore que certaines personnes du marketing chez Go voyages ont été intimidées. "La direction leur a dit que si elles ne partaient pas travailler en Espagne, c'était la porte", continue furieux le jeune homme.
De son côté, la direction du groupe jure qu'elle met tout en oeuvre "avec les organisations syndicales et les représentants du personnel, pour prendre en compte les attentes de ses équipes et bien gérer tout ce qui concerne les mesures destinées à l’accompagnement et au reclassement". Elle espère parvenir à un "accord satisfaisant pour l’ensemble des parties prenantes".
"C'est de la pure de langue de bois", s'énerve Mustapha : "la direction n'a prévu que 5 millions d'euros pour le reclassement des 78 salariés qui vont être foutus à la porte", pointant également les faibles indemnités de départ. "On aimerait partir dans les mêmes conditions que nos collègues en 2015", soutient Malika.
A l’époque, des paliers avaient été négociés : 1,25 mois de salaire par année d’ancienneté pour 1 à 3 ans dans la société, 1 mois pour 4 à 8 ans et 0,7 mois pour plus de 8 ans.
"On vient de nous dire que ça allait être plutôt 0.5 mois de salaire par année d'ancienneté. Et pour tout le monde !", s'emporte Malika. "Mais on peut avoir un peu plus si on signe un papier où on promet qu'on n'attaquera pas aux Prudhommes", précise Mustapha dégoûté.
Mais ce qui met encore plus en colère le jeune homme, c'est le moment choisi pour "annoncer aux salariés ce deuxième plan social". "La direction nous a dit texto que pour le bien être des salariés, il fallait accélérer la procédure", fulmine Mustapha, qui note que la décision d'annoncer la "baisse de la masse salariale intervient comme par hasard en été". "Les avocats sont en vacances. Et même vous les journalistes ! J'en ai contacté plusieurs qui m'ont promis de traiter notre dossier à leur retour", raille le salarié. "Mais ça sera trop tard".
Les négociations qui devaient s'achever ce vendredi 4 août n'ont finalement pas abouti, a-t-on appris ce jeudi après-midi. "La direction va présenter son projet de PSE à la direction régionale du travail de manière unilatérale", regrette Mustapha. Ce dernier espère qu'il sera refusé afin que "s'ouvrent de nouvelles négociations et permettent ainsi d'obtenir un nouvel accord". "Nous méritons des indemnités à la hauteur du préjudice subi par les salariés de Go voyages", clame Mustapha.
Nadir Dendoune