Saint-Etienne-du-Rouvray : les jeunes refusent que l’islam soit associé aux meurtriers
Lassés d'être pointés du doigt, des jeunes musulmans de l'agglomération rouennaise refusent que l'islam soit associé aux deux auteurs, âgés de 19 ans, de l’assassinat du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray. Catholiques et musulmans se sont retrouvés à la mosquée pour la prière du vendredi, puis à la paroisse toute proche pour une veillée en mémoire du père Hamel. Les deux communautés ont aussi assisté ensemble à la messe dimanche à la cathédrale de Rouen.
« S'habiller d'un prétexte pour pouvoir tuer »
« L'islam, c'est avant tout des paroles de paix, de solidarité et d'amour », explique Halima, une jeune éducatrice. Avec ses deux amies, elles se sont donné rendez-vous près de l'église dans laquelle a été égorgé le père Jacques Hamel mardi dernier, pour un moment de recueillement. Halima, Shaïma et Myriam fréquentent la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), où Adel Kermiche, l'un des meurtriers, « n'a jamais mis les pieds », selon elles.
Ces jeunes femmes expliquent qu'elles ont baigné dans la religion et la culture musulmanes à travers leurs parents. « Mes parents m'ont enseigné les valeurs de l'islam, puis j'ai été à des cours à la mosquée », explique Shaïma qui prie « cinq fois par jour ». Pour la jeune étudiante en droit de 19 ans, « ces enfants » qui commettent des attentats « ne connaissent rien à la religion ». « C'est s'habiller d'un prétexte pour pouvoir tuer », dit-elle.
45 % d’opinion négative pour l’islam en France
Myriam, qui travaille dans les assurances, se demande quelle « sera sa place dans la société ». « C'est déjà difficile aujourd'hui, il y a des amalgames qui sont faits à propos de la religion », regrette-t-elle. Une inquiétude qui se traduit en chiffres : la religion musulmane concentre près de 45 % d’opinions négatives et les actes antimusulmans ont progressé de 223 % entre 2014 et 2015, selon un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), publié en avril 2015.
La jeune femme de 25 ans vit son « culte pleinement », mais elle a « l'impression qu'un communautarisme naît de plus en plus ». « Effectivement, on est musulmans, mais on est tous des citoyens français ».
L'assassinat du prêtre de 85 ans a été un « choc » pour ces jeunes Stéphanaises, mais aussi pour les autres musulmans de la commune de 29 000 habitants qui, au cours des derniers jours, ont manifesté leur soutien auprès des fidèles catholiques.
« Combien de fois va-t-on vous dire que ceci n'a rien à voir avec l'islam ? »
À la mosquée de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, fréquentée par Maxime Hauchard, un converti à l'islam qui a été identifié fin 2014 comme l'un des bourreaux du groupe État islamique (EI), les jeunes fidèles comme Moussa se disent excédés des questions « lorsqu'il se passe ce genre d'événement ». « Combien de fois va-t-on vous dire que ceci n'a rien à voir avec l'islam ? » s'interroge-t-il.
« Dans l'islam, il est dit qu'on ne doit pas toucher à une mouche », poursuit le jeune homme de 18 ans, qui précise que sa pratique de l'islam consiste « au jeûne, à la prière et à l’aumône ». « On pense que mettre un kamis -tenue traditionnelle- et aller prier cinq fois par jour, c'est être un potentiel jihadiste alors que cela fait juste partie des cinq piliers de l'islam », ajoute son ami en master de marketing, qui requiert l'anonymat.
Contrairement à Moussa, il lit le Coran en arabe qu'il a appris en Algérie, mais « ne comprend pas tous les versets ». Pour lui, Adel Kermiche et Abdel Malik PetitJean, les deux jeunes auteurs de l'assassinat du prêtre, « n'avaient pas les connaissances nécessaires pour étudier » le livre sacré des musulmans. « Certains, à des milliers de kilomètres, se sont servis de leur inculture de l'islam » pour les pousser à commettre l'attaque jihadiste, selon lui.
Rached Cherif
(Avec AFP)