Rencontre avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel
C’est une institution qui doit elle aussi faire face à la nouvelle donne de la couverture médiatique des actes terroristes. Le CSA est même concerné au premier chef par les questions d’éthique journalistique que pose cette problématique générationnelle qu’est l’hyper-terrorisme. Dans l’imposant bâtiment qui abrite son administration au 39 – 43 Quai André Citroën dans le 15ème arrondissement de Paris, nous avons rencontré une équipe de quadras plutôt humbles et rationnels.
Entouré par sa jeune équipe, Gil Moureaux, directeur adjoint aux relations internationales du CSA, impressionne par sa connaissance de la Tunisie, notamment son vis-à-vis institutionnel qu’est la HAICA, la Haute autorité indépendante de la Communication audio-visuelle, cousine du modèle français en matière de régulation du secteur, et avec laquelle le CSA a travaillé en étroite collaboration lors de sa fondation en 2013. Les deux institutions continuent de collaborer occasionnellement, notamment quand il s’agit de se référer à des jurisprudences, explique Moureaux.
Créé par la loi du 17 janvier 1989, le CSA a pour mission de garantir la liberté de communication audiovisuelle en France. Il a succédé à la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (1982-1986) et à la Commission nationale de la communication et des libertés (1986-1989). La loi du 30 septembre 1986 lui confie de larges responsabilités, parmi lesquelles : la protection des mineurs, le respect de l'expression pluraliste des courants d'opinion, l’organisation des campagnes électorales à la radio et à la télévision, la rigueur dans le traitement de l'information, l’attribution des fréquences aux opérateurs, le respect de la dignité de la personne humaine, et la protection des consommateurs.
La liberté d’expression confrontée à l’antiterrorisme, une équation ardue
Au cours des derniers attentats majeurs à Paris en 2015, mais aussi plus récemment à Bruxelles, le CSA s’est chargé de veiller à l’application de la Recommandation n° 2013-04 du 20 novembre 2013 relative au traitement des conflits internationaux, des guerres civiles et des actes terroristes par les services de communication audiovisuelle, précise Gil Moureaux.
Parmi ces recommandations, celle en rapport avec la Dignité de la personne humaine, qui invite à s’abstenir de « présenter de manière manifestement complaisante la violence ou la souffrance humaine lorsque sont diffusées des images de personnes tuées ou blessées et des réactions de leurs proches ».
« Nous avons été saisis au lendemain des attentats de Bruxelles au sujet des chaînes d’info françaises qui diffusaient en boucle des images de personnes blessées et de familles paniquées dans l’aéroport quelques secondes après l’attaque », nous expliquent les représentants du CSA.
La veille, en écoutant RMC, nous avions été interpelés par un passage d’un plateau info où la rédaction de la radio faisait appel à l’expertise d’un ancien du GIGN qui s’était aventuré sur un terrain plus politique voire idéologique, en s’exclamant « C’est fini la récré maintenant, la Belgique doit aller chercher ces gens et ne pas se contenter de les surveiller ! »… Qui était visé par « ces gens ? ».
Nous avons été surpris du fait que l’ensemble de nos interlocuteurs du CSA avait eu connaissance de cet épisode qui n’avait pourtant pas causé de buzz particulier. Il leur avait déjà été signalé et était « en cours d’examen avant de prendre une décision ».
Interrogé sur ses méthodes de rétorsion, le CSA affirme que dans la vaste majorité des cas, le Conseil se contente d’une mise en demeure. « Ne perdons pas de vue que notre vocation première est de préserver la liberté de la presse. Les sanctions allant jusqu’à la non diffusion ou la fermeture d’antenne sont rarissimes ».
Dans une France où les médias affiliés aux extrêmes agissent de plus en plus sournoisement pour flirter avec la légalité tout en contournant les régulations, le CSA voit sa mission se compliquer de jour en jour. Pour autant, il devra ne jamais renoncer à son indépendance.
Seif Soudani