Projet de loi sur la lutte contre le terrorisme : « le gouvernement est autiste »
Début juin était révélé le texte du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure. Ce projet de loi dont l'un des objectifs est la sortie de l'état d'urgence, intégrerait des mesures d'exception dans le droit commun. Discuté hier et aujourd'hui (19 juillet) au Sénat, le projet de loi suscite beaucoup d'inquiétudes. Les organisations de défense des droits de l'Homme craignent les effets d'un « état d'urgence permanent ».
Sortir de l'état d'urgence
L'état d'urgence a donc été reconduit à l'identique malgré les abus et les dérives constatés par les parlementaires et les organisations de défense des droits de l'Homme. Conscient que ces mesures d'exception ne pourront pas être reconduites à l'infini, le gouvernement propose un projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure pour sortir de l'état d'urgence.
Le problème c'est que ce projet de loi veut intégrer des mesures de l'état d'urgence dans le droit commun, alors qu'elles sont déjà largement mises en question : « Pour en sortir, il faut prendre des dispositions qui sont extraordinaires, exceptionnelles et qui, normalement, ne devraient pas se retrouver dans l'état de droit. C'est ce que dit le Défenseur des droits, c'est ce que dit la commission nationale consultative des droits de l'Homme, c'est ce que disent des juristes et c'est ce que vient de dire hier le commissaire des droits de l'Homme au conseil de l'Europe qui veille à l'application de la convention européenne des droits de l'Homme » explique Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH).
Avant même d'être voté, il semblerait que le texte de ce projet de loi n'est pas conforme à l'application des règles nationales et internationales.
La logique du soupçon
Pour la LDH, le nouveau projet de loi, comme l'état d'urgence, s'appuie sur une logique du soupçon. Non seulement, les autorités ne s'appuieront pas sur des faits délictueux, mais le préfet aura plus de pouvoir sans aucun contrôle du juge.
Un problème qui n'a pas échappé aux sénateurs, mais le gouvernement ne semble pas l'entendre : « Le sénat avait proposé quelques amendements visant à atténuer ou à corriger certains aspects signalés par le conseil d'état ou le conseil constitutionnel. Et que le gouvernement a proposé des amendements visant à rétablir le texte initial. Donc ça veut dire que le gouvernement est autiste. L'équilibre des pouvoirs, la lutte contre l'arbitraire, la création d'un pouvoir administratif sans véritable contrôle judiciaire est préjudiciable à la démocratie » selon Malik Salemkour.
Ce dernier s'inquiète également du fait que cette loi est, comme l'état d'urgence, une porte ouverte à des dérives : « Cette loi crée en pratique, une logique de soupçon, mais particulièrement cible une partie de la communauté nationale. C'est évident que tous ces dispositifs entraînent, vis-à-vis des musulmans, parce que c'est eux qui sont manifestement ciblés, une attitude qui peut être discriminatoire. Ça veut dire des risques de contrôle au faciès, de stigmatisation, alors que, face au terrorisme, il faut au contraire renforcer l'unité nationale ».
Rester vigilant
Le projet de loi est donc discuté aujourd'hui au Sénat et passera à l'Assemblée nationale en septembre prochain. Un rassemblement était organisé hier, pour attirer l'attention sur ce projet de loi. Un nouveau rassemblement, de plus grande ampleur, devrait être organisé en septembre prochain.
En attendant, les organisations de défense des droits de l'Homme entendent être très vigilantes pendant l'état d'urgence, malgré la volonté affichée du président de la République d'éviter les dérives connues par le passé :
« Jusqu'à novembre ou peut-être même jusqu'en mai prochain, l'état d'urgence est reconduit à l'identique, donc nous devrons faire confiance aux 100 préfets des départements pour respecter la parole présidentielle. Nous avons mis en place un observatoire pour bien vérifier qu'il n'y ait pas de dérives. Nous continuerons à saisir les parlementaires. Voir si nous trouvons 60 parlementaires qui saisissent le conseil constitutionnel (…) Mais sinon nous irons jusqu'au bout. (…) Nous irons à la cour européenne des droits de l'Homme ».
CH. Célinain