Prévenir la radicalisation : tout un travail de déconstruction et… de reconstruction
La prévention contre la radicalisation est un enjeu capital. Travaillant chacune sur le terrain depuis des années, les associations Entr'aide (Paris 19ème) et Espoir 18 (Paris 18ème) unissent leurs forces et leurs compétences dans le cadre du projet « Radicalisons la prévention ». Le but : occuper l'espace, notamment numérique, pour déconstruire certains discours et rechercher une meilleure prévention.
Ne pas « réinventer la roue »
Depuis 23 ans, Entr'aide est présent sur le terrain. L'année dernière, constatant que les subventions publiques étaient plutôt dirigées vers le « soin » des personnes déjà radicalisées au détriment de la prévention, Entr'aide et Espoir 18 ont décidé de confronter leurs réflexions et leur projet, au forum social mondial à Montréal. Accompagnés notamment de Farid Abdelkrim, qui intervient dans le milieu carcéral auprès de jeunes radicalisés, ils rencontrent le directeur du centre de criminologie international de Montréal qui leur confirme, chiffre à l'appui, l'efficacité de la prévention et que « Ca ne sert à rien de réinventer la roue ».
Autre perspective
De retour de Montréal, forts de leurs travaux, Entr'aide et Espoir 18 se remettent avec détermination dans le projet « Radicalisons la prévention », soutenus par les autorités, notamment la ville de Paris. Dans ce cadre, hier soir (21 novembre), avait lieu une représentation de la pièce « Le chemin de la gare » de Farid Abdelkrim, traitant du regard d'un musulman sur les musulmans en France. Pièce suivie de discussions et de débats, notamment avec des associations de victimes d'attentats, apportant une autre perspective aux jeunes suivis par les associations.
Ne pas tout gober
« Radicalisons la prévention » est aussi l'occasion de d'expérimenter sur le numérique : « nous accompagnons une vingtaine de jeunes, qui traitent le sujet de la radicalisation et qui vont produire des capsules numériques » confie Kamara Mohamed, directeur de l'association Entr'aide. Un travail essentiel selon ce dernier : « C'est toujours la théorie du complot que certains jeunes survolent et écoutent via internet. Pour nous, il y a tout un travail de déconstruction et de reconstruction derrière. Comment se servir des supports numériques, comment croiser les informations, l'idée c'est qu'ils puissent avoir un esprit critique sur ce qu'ils peuvent absorber sur internet. Ne pas tout gober ».
De longue date
« Nous avons eu des prémisses, sur le 19ème, les frères Kouachi, notamment, ont été dans mon environnement d'une certaine façon. En 1997 pendant la guerre en Irak, il y a aussi des jeunes de Laumière qui étaient partis en Irak et qui se sont faits tuer là-bas » explique le directeur d'Entr'aide. Pour ne pas avoir à faire face de nouveau à de telles situations, Kamara Mohamed espère pouvoir travailler de concert avec les pouvoirs publics.
Lors d'une rencontre avec la responsable administrative du fonds interministériel de prévention à la délinquance, ce dernier a rappelé le rôle fondamental que doivent garder les acteurs de terrain : « en tant qu'acteurs, nous avons besoin d'une réflexion qui soit ascendante. Pas quelque chose qui vient d'en haut pour dire comment nous devons faire. Nous avons besoin de chercheurs, scientifiques qui viennent voir nos travaux et recherches au quotidien. Et ce, pour mettre au point une méthodologie afin que nous puissions orienter les pouvoirs publics de façon pertinente sur le terrain ».
Une meilleure coordination avec les pouvoirs publics pour une meilleure prévention en direction de la jeunesse : « Notre cœur de cible, ce ne sont pas les jeunes radicalisés ou qui reviennent d'Irak, c'est vraiment la jeunesse en globalité. S'ils sont mobilisés, ils seront mieux à même de décrypter les discours de Daech véhiculés sur internet ».
CH. Célinain