Pour les réfugiés, La France « c’est bien pour visiter, mais pas pour l’emploi »

 Pour les réfugiés, La France « c’est bien pour visiter, mais pas pour l’emploi »

Demandeurs d’asile accueillis en Allemagne. Frank Rumpenhorst/DPA/AFP


Les réfugiés qui traversent la Méditerranée rêvent d'Allemagne, de Suède ou du Royaume-Uni, mais ne veulent pas venir en France, rebutés par le chômage, la bureaucratie et les squats insalubres. Résultat, le nombre de demandes d’asile ne devrait pas beaucoup augmenter en France en 2015 malgré l’entrée de près de 500 000 en Europe.


 


Hébergement, emploi, régularisation : le parcours du combattant des demandeurs d’asile


Outre le taux de chômage qui dépasse les 10 %, les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler pendant l'examen de leur dossier et – c'est le second grief des exilés – il faut en moyenne neuf mois aujourd'hui pour obtenir l'asile en France. Une situation qui tranche avec l’instrumentalisation politique de la crise des réfugiés et la bataille des chiffres qui fait notamment le jeu de l’extrême droite.


La France, « c'est bien pour visiter, mais pas pour l'emploi ». Abdulrahman Alshehagi, un Syrien de 26 ans croisé par l'AFP dans une gare de Suède, résume la pensée de nombre de ses compagnons d’infortune. « La France, c'est pas bon pour mon futur, en plus ça n'a pas la réputation de donner facilement un permis de séjour », ajoute ainsi Edward un Irakien de 24 ans, qui attend à Stockholm un bateau pour la Finlande.


Autre difficulté : l'hébergement. Seul un tiers des demandeurs d'asile sont logés dans des structures dédiées et il n'existe quasiment rien pour ceux qui décrochent le titre de réfugiés. En conséquence, de nombreux migrants se retrouvent dans des squats insalubres ou à la rue. Or, les exilés « échangent leurs expériences sur Facebook ou Whatsapp », souligne Sabreen Al-Rassace de l'association Revivre qui assiste les exilés syriens.


 


Manque d’attractivité symptomatique ?


Conséquence : la France n'attend qu'environ 65 000 nouvelles demandes d'asile cette année, comme en 2014, alors que les dossiers s'accumulent en Allemagne, qui prévoit d'accueillir près d'un million de réfugiés. Pour soulager son voisin, le président François Hollande a proposé, il y a deux semaines, d'aller y chercher un millier de Syriens et Irakiens. Des agents français sont allés sur place, mais ils n'ont réussi à convaincre que 600 personnes de monter dans des bus pour la région parisienne.


Parmi eux, Sabah, 38 ans, une professeure d'anglais venue de l'est de la Syrie. « Ils nous ont promis trois choses : de nous donner facilement des papiers, que nos familles pourront nous rejoindre et un droit de séjour de dix ans », énumère-t-elle dans un monastère, à l'ouest de Paris, où elle est désormais logée. Non loin d'elle, Ahmad, 29 ans, raconte qu'il a longtemps « hésité » avant de changer de cap. « Nous avions entendu dire que la France ne voulait pas prendre les réfugiés. D'autres Syriens ont rencontré des difficultés ici ». Pas totalement sûr de son choix, cet homme originaire de Damas assure qu'il repartira en Allemagne « si les choses ne se passent pas bien ».


Saleh Al Moussa, 17 ans, est pour sa part déjà déterminé à retourner de l'autre côté du Rhin, où vit son frère. « Ici, je ne connais personne », explique-t-il. La présence de membres de la famille ou d'amis, qui peuvent faciliter l'intégration est un élément déterminant dans le choix des réfugiés pour un pays. Même si la France a eu un mandat pour administrer la Syrie de 1920 à 1946, la diaspora syrienne n'est pas importante sur son sol. De même, les Érythréens ou les Somaliens boudent Paris pour Londres, où vivent nombre de leurs compatriotes.


Pour François Gemenne, spécialiste des migrations à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yveline, « le fait que (la France) ne soit plus considérée comme une terre d'accueil veut dire que, sans doute sa santé économique n'est pas très bonne, mais aussi que sa santé démocratique n'est pas très bonne ».


Rached Cherif


(Avec AFP)