Portrait d’une funambule entre deux mondes

 Portrait d’une funambule entre deux mondes

Des figues en avril Un film de Nadir Dendoune France


La presse française s'est largement intéressée au documentaire réalisé par notre journaliste Nadir Dendoune sur sa mère : "Des figues en avril". "Portrait d’une funambule entre deux mondes", un article paru le 15 octobre sur le site Humanité.fr.


Portrait d’une funambule entre deux mondes


Dans son dernier film, « Des figues en avril », Nadir Dendoune filme sa mère, arrivée en France il y a 60 ans. Portrait intime d’une déracinée.


Elle est un personnage récurrent de ses savoureuses chroniques, récemment rassemblées dans recueil, « Nos rêves de pauvres » (Ed. Lattès). C’est même l’héroïne de l’une d’entre elle, « L’Humanité et les épluchures de ma daronne », dans laquelle Nadir Dendoune évoque avec impertinence et tendresse le journal de Jaurès, ses prises de conscience et… sa mère.


Il consacre aujourd’hui un film à Messaouda Dendoune, née en Kabylie un jour indéfini du printemps 1936, « à la saison des fèves », lui a-t-on dit, arrivée en France avec son mari il y a soixante ans. « Des figues en avril » brosse le portrait bouleversant d’une funambule entre deux mondes, avec la force et les lézardes propres aux exilés.


Nadir Dendoune a filmé sa mère dans l’intimité, entre les murs du HLM qu’elle habite à l’Île-Saint-Denis. C’est au détour de gestes et de tâches du quotidien qu’elle se raconte, chante, revendique son attachement à sa culture algérienne comme à sa classe sociale ici, en France.


« On n’est pas des bourgeois !», s’exclame avec malice la vieille dame en français, avant d’entonner une mélopée de Slimane Azam chargée de la nostalgie de ses montagnes natales.


Lorsqu’elle est évoquée dans l’espace public, l’immigration, le plus souvent, prend un visage masculin. On en oublie cette armée de l’ombre, celle de ces femmes d’origine rurale projetées dans un univers inconnu, qui ont tenu des familles à bout de bras dans des conditions économiques éprouvantes, éduqué les enfants dans un contexte culturel dont elles ont du, sans soutien, apprivoiser les codes. Peu d’œuvres évoquent cette immigration au féminin.


En creux, ce film sensible interroge aussi la vieillesse, ses cassures, ses épreuves, inscrites dans les rides creusant le beau visage de Messaouda, souvent filmée en portrait serré. Ici la douleur  se loge dans l’absence de l’autre, le compagnon de toute une vie à la mémoire envolée.


Et puis il y a aussi cette inexorable distance qui se creuse avec les générations suivantes, enracinées ici, la langue d’origine qui se perd, affleure, hésite, cherche un terrain d’entente pour se nouer, finalement, dans le dialogue bilingue entre la mère et le fils, elle en kabyle, lui en français.


Lorsqu’on lui demande pourquoi il écrit, Nadir Dendoune convoque Annie Ernaux qui notait sur un cahier, à l'âge de 20 ans : « J'écrirai pour venger ma race », en référence à ses origines populaires. Paris tenu, avec ce subtil portrait d’une femme au crépuscule.


Des Figues en avril. de Nadir Dendoune. VOSTF (2017, 56', FR). Documentaire.


Rosa Moussaoui


Journaliste à la rubrique Monde


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https://www.humanite.fr/portrait-dune-funambule-entre-deux-mondes-643757