Mathilde Montzieux : « Les habitants de Gaza vivent dans des conditions déplorables »
Depuis 2014, le Secours Islamique de France a effectué la reconstruction de 150 logements détruits dans la ville de Gaza, suite au conflit israélo-palestinien. Dans quelles conditions vit la population gazaouie aujourd’hui ? Quelles sont ses difficultés et comment les résoudre ? Mathilde Montzieux, chargée des programmes d’aide Maghreb et Moyen Orient pour l’organisation répond à nos questions
LCDL : Décrivez-nous les conditions de vie des populations de Gaza ?
Mathilde Montzieux : Les gazaouis connaissent des conditions de vie déplorables ! Les gens vivent sans le strict minimum. Ils ne disposent que de 6 heures d’électricité par jour, parfois moins. En 2017, plus de 900 000 personnes restent encore dépendantes d’une aide humanitaire, 4 palestiniens sur 10 sont au chômage et 6 750 familles n’ont plus de toit depuis les bombardements de 2014. Aujourd’hui nous avons passé la barre symbolique des 10 ans du blocus qui constitue une véritable asphyxie pour les habitants sur le plan économique, social, médical et humanitaire.
Hormis la réhabilitation des 150 maisons, quels sont les autres types d’aides que le Secours islamique de France (SIF) apporte aux populations de Gaza et combien de familles ont pu en bénéficier ?
Le SIF mène des actions en Palestine depuis 2008. Nous nous sommes d’abord consacrés au déploiement de l’aide d’urgence (fourniture de matériel médical, de biens de première nécessité…). Puis nous avons participé à l’opération « Un avion pour Gaza » où nous avons réussi à faire acheminer des lits médicalisés et autre type de matériel. Les équipes se sont ensuite consacrées à la réhabilitation des terres agricoles qui avaient été détruites au moment des hostilités, afin de venir en aide aux agriculteurs qui avait perdu leur unique source de revenu. L’attention a également été portée auprès des enfants qui avaient perdu leurs parents et de manière plus générale, les enfants en bas âge qui rencontraient d’importantes carences nutritionnelles.
Aujourd’hui, nous menons des actions dans l’accès à l’eau. Notamment, dans la ville de Rafah, située au sud de Gaza où les gens n’ont pas d’eau. Nous remédions à ce problème ! Près de 200 000 personnes ont déjà bénéficié de nos actions.
Comment recensez-vous les populations à qui vous apportez de l’aide ? Existe-t-il des critères à remplir pour bénéficier de l’aide du SIF à Gaza ? Si oui, lesquels ?
À Gaza, tout le monde a besoin d’une aide, mais certains beaucoup plus que d’autres. Il y a des personnes qui ont simplement besoin d’eau, certains de nourritures ou d’un nouveau logement et parfois des trois à la fois. Dans ce contexte, nous donnons la priorité aux familles les plus vulnérables. C’est-à-dire, à celles qui ont perdu un père ou une mère. On y trouve des orphelins qui se retrouvent avec un seul parent sans revenu suffisant pour survivre. Voilà notre seul critère parce que ce type de famille nous paraît prioritaire. Nous les recensons grâce à nos équipes constituées de 30 membres présents sur le terrain.
Pendant combien de temps pensez-vous poursuivre vos actions à Gaza ?
Nous le savons la reconstruction prendra du temps, dépasser les traumatismes demandera une importante prise en charge psychologique des personnes, et notamment des enfants qui ont connu trois guerres successives en l’espace de 5 ans. Nous ne pouvons pas détourner notre attention de cette situation. Même si médiatiquement les regards sont tournés depuis quelques années sur la Syrie ou sur l’Iraq, nous poursuivrons notre travail humanitaire tant qu’une solution politique n’est pas trouvée pour mettre fin au blocus, et de manière plus générale au conflit.
Quel soutien vous apporte L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)
L’UNWRA a toujours été un partenaire important pour le Secours islamique de France, particulièrement dans les périodes d’urgence. La plupart des écoles de la Bande de Gaza sont gérées par cet organisme. Au moment des hostilités ces écoles deviennent des centres d’accueil pour les personnes déplacées fuyant les bombardements. Nous nous sommes donc appuyés sur ces structures d’accueil pour y distribuer des kits d’hygiène aux familles, des colis alimentaires ainsi que des repas chauds notamment lorsque les familles déplacées célébraient le mois du Ramadan hors de chez elles au moment des hostilités. Ce partenariat s’est poursuivi par la suite dans la phase de réhabilitation.
Propos recueillis par Alexis Ibohn Dooh
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