Obtention des titres de séjour : l’échec du tout numérique
Files d'attente interminables devant les préfectures, permanence téléphonique injoignable, la prise de rendez-vous pour obtenir un titre de séjour est un véritable parcours du combattant. Pour désengorger les préfectures et palier aux restrictions budgétaires dans les services publics, la dématérialisation semblait une solution toute indiquée. Pourtant, la prise de rendez-vous par internet est loin d'avoir tout réglé et montre certaines limites.
Dématérialisation, exclusion
Depuis 2012, pour soulager un service public qui se dégrade (restrictions budgétaires, manque de moyens humains…), l'Etat incite à la dématérialisation. L'an dernier, La Cimade sortait un rapport sur l'accès aux préfectures suite à l'observation de 131 permanences d'accueil. Le constat était sans équivoque : « qu’il s’agisse de la demande d’information, de la prise d’un rendez-vous ou du dépôt d’un dossier, le passage par internet est parfois incontournable. Or ces solutions, certes intéressantes et parfois adaptées, conduisent à exclure certains usagers, et souvent les plus précaires, lorsqu’elles sont utilisées de façon exclusive ».
Un des exemples les plus criants à été constaté à la préfecture de Créteil (94) où, dès 2012, l'accueil physique pour les prises de rendez-vous était définitivement proscrit : « celui-ci n’offre jamais aucune plage disponible » a observé la Cimade.
L'organisation maintient que des modalités alternatives d'accès aux démarches doivent être préservées afin de garantir l'égalité d'accès des usagers devant le service public.
Limites
Mis en ligne en même temps que la parution du rapport « A guichets fermés » décryptant l'accès aux préfectures, le site aguichetsfermes.lacimade.org recueille les chiffres des services préfectoraux, « imposant ou proposant » la prise de rendez-vous par internet.
Présentant désormais les chiffres de 73 départements, le bilan montre une situation qui s'est, généralement, dégradée. Ces résultats mettent en exergue le fait que la prise de rendez-vous par internet, sans solutions alternatives, rend quasi impossible l'obtention d'une entrevue.
De plus, ces chiffres confirment une certaine « fracture numérique » : « des personnes se retrouvent dans l’incapacité de faire leurs démarches seules, faute d’accès à internet, de familiarité avec cet outil, de possession d’une adresse email ou du matériel nécessaire pour imprimer la convocation (…) Les personnes non accompagnées par une association ou un avocat, ne sachant pas comment forcer le barrage de la prise de rendez-vous, n’ont vraisemblablement pas la possibilité d’en obtenir ».
Dans les conditions actuelles, le respect de l'égalité d'accès des usagers au service public ne peut être tenu. Et la solution du tout numérique ne fait qu’aggraver la situation. Pour la Cimade, seule la possibilité de modalités alternatives d’accès au guichet dans l’ensemble des préfectures pourra garantir une certaine égalité. Mais ceci ne sera mis en place qu'à condition d'une réelle volonté politique…
CH. Célinain