Nadir Kahia : « on fait de nous des individus inaudibles »

 Nadir Kahia : « on fait de nous des individus inaudibles »

Nadir Kahia


 


« Banlieue+ & nos quartiers » a pour mission de changer l’image des quartiers dans les medias. Et à terme, de fédérer les initiatives issues des quartiers populaires. Un travail nécessaire dans le contexte post-attentats qui ne peut se faire qu’avec le concours des journalistes. Nadir Kahia est le président de cette association. Interview.


 


LCDL : Vous accusez les médias français généralistes de « discriminer » les intervenants qui prennent la parole dans le contexte actuel ?


Nadir Kahia :Même dans les moments difficiles où tout le monde doit s’exprimer et partager sa peine, sa solidarité avec les victimes et leurs familles et chercher l’unité face à la barbarie, encore une fois, les médias  généralistes ne donnent pas accès à des responsables associatifs de nos quartiers, nos banlieues.


Cela fait des années que ça dure, on fait de nous des individus invisibles, inaudibles, des citoyens de second rang sauf pour parler de feux de poubelles ou réagir à une actualité à l’avantage de certains politiques hyper-médiatisés ! Même le CSA par l’intermédiaire de Mme Hintermann dénonce le manque de diversité dans les médias. Aujourd’hui, plus que jamais, il serait bien de nous mettre en avant pour aider à l’union de tous les Français face au terrorisme.


 


Avez-vous tenté de prendre contact avec des journalistes ? Peut-être, ne connaissent-ils pas l’existence de votre association ?


J’essaie d’interpeller les grands médias en les sensibilisant sur la nécessité de mettre en avant le positif et les potentialités de nos quartiers. Et cela par devoir d’équité, de justice mais aussi pour montrer la réalité de cette grande majorité active de nos quartiers. Celle qui vit, agit au quotidien dans tous les domaines possibles et inimaginables (le soutien scolaire, l’humanitaire, l’entreprenariat, le sport, la culture, l’art et bien d’autres domaines). Sans détourner pour autant le regard sur les aspects négatifs et néfastes que sont la délinquance, la radicalisation de certains, les incivilités.


C’est aussi une réalité, parfois même notre quotidien, mais je rappelle que nous sommes les premiers touchés et donc concernés. On se doit par conséquent d’être en capacité de parler de tout, sans tabous afin d’élaborer ensemble de vraies solutions pour se projeter et préparer des lendemains meilleurs pour nos enfants. J’ai bien eu quelques retours de médias comme RMC, BFM TV, RTL, France télévision, France 24 et d’autres mais pas suffisamment à la hauteur de nos attentes et du retard qu’ils ont accumulé. Mais il est vrai que tout est une question de réseau alors nous nous efforçons de le construire.


 


Quel est le risque de ce « boycott » des médias, selon vous ? Quelles peuvent en être les conséquences ?


Le risque est de rajouter de la frustration à la frustration déjà existante, continuer à renvoyer cette image qui consiste à faire comprendre aux habitants des quartiers qu’ils ne sont pas la France ou plutôt une certaine France, celle qui n’a pas le droit aux mêmes unes, aux mêmes émissions et donc au même droit à l’image et à l’expression !


 


Propos recueillis par Chloé Juhel


Plus d’infos sur http://www.banlieueplus.fr/