Mosquée de Mantes-la-Ville : le maire FN débouté une 3e fois par la justice
Le maire FN de Mantes-la-Ville (Yvelines), qui voulait préempter un local pour y installer sa police municipale au lieu d'une salle de prière musulmane, a essuyé vendredi un troisième revers judiciaire devant le tribunal administratif de Versailles. Pour la cour, le motif réel de l’action du maire frontiste était de « faire échec » à la création de la mosquée.a
« Considérations étrangères à un but d’intérêt général »
Dans deux décisions rendues vendredi, le tribunal administratif, saisi par le préfet des Yvelines et l'Association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS), a estimé qu'il y avait « détournement de pouvoir » de la part du maire frontiste Cyril Nauth et a annulé cette préemption. La décision du maire de s'arroger ce local, « bien que formellement motivée par la nécessité d'installer le service de police municipale dans des locaux plus spacieux, procède en réalité d'une volonté d'utiliser le droit de préemption afin de faire échec à l'installation d'un lieu de culte musulman », relève notamment le tribunal. Ce « véritable mobile » est « tiré de considérations étrangères à un but d'intérêt général », ajoute la cour.
Saisie en référé (procédure d'urgence) par le préfet et l'association cultuelle, cette même instance avait déjà donné tort à M. Nauth en août 2015, de même que la cour administrative d'appel en octobre de la même année. « Scandaleux et inique », a commenté le maire frontiste : « On favorise l'émergence d'un lieu de culte à la place d'un équipement public dédié à la tranquillité et à la sécurité. Compte tenu du contexte national, c'est absolument incompréhensible. » L'édile a indiqué qu'il allait « vraisemblablement faire appel ».
M. Nauth avait officialisé au printemps 2015 son intention de transférer dans le local visé par la préemption l'actuel poste de police municipale – un pavillon de 90 m2, inadapté selon lui – dans le cadre d'un renfort de ses effectifs. Lors de l'audience devant le tribunal le 2 septembre, le rapporteur public avait souligné « le coût » important du projet du maire (760.000 euros) et le fait que ce local était « disproportionné » pour une équipe de « 12 agents de police municipale ».
L’AMMS soutenue par la préfecture des Yvelines
Au cœur de ce long bras de fer politique et judiciaire : l'ancienne trésorerie municipale, un local d'au moins 500 m² resté longtemps inoccupé. L'ancienne mairie socialiste avait validé le transfert vers ces locaux de la salle de prière vétuste de l'AMMS, installée dans un pavillon voué à la démolition. Mais l'élection en mars 2014 du maire frontiste, qui avait fait de la lutte contre ce projet un point central de sa campagne, avait changé la donne.
L'association, qui avait pu racheter les locaux à la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines en octobre 2015 au grand dam de la mairie FN, y a sommairement aménagé depuis une salle de prière. Le président de l’AMMS Abdelaziz El Jaouhari s'est félicité vendredi de la décision du tribunal en dénonçant « un acharnement municipal contre la communauté musulmane accompagné de mensonges à la population et de gaspillage de l'argent des contribuables », référence notamment aux frais de justice que la mairie devra rembourser à l'association.
De son côté, Me François Benech, avocat du préfet des Yvelines, s'est réjoui que le tribunal ait estimé que « le mobile qui habitait le maire n'était pas légal ».
Rached Cherif
(Avec AFP)