Mosquée de Mantes-la-Ville : la préfecture soutient le projet et attaque la mairie FN
Nouvelle étape dans l’épineux feuilleton de la mosquée de Mantes-la-Ville, seule municipalité FN d'Ile-de-France : le préfet des Yvelines et une association de musulmans contestent jeudi devant la justice l'intention de la mairie frontiste d'installer à la place la police municipale. Le préfet Erard Corbin de Mangoux demande au tribunal administratif de Versailles de suspendre la décision de la mairie FN qui a fait jouer son droit de préemption sur l'ancienne trésorerie municipale qui devait accueillir le nouveau lieu de culte.
Un commissariat à la place du projet de mosquée
D'un côté, l'association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS) a réuni 600 000 euros pour racheter les locaux et y aménager une salle de prière. De l'autre, le maire élu en 2014 Cyril Nauth dit vouloir « renforcer la police municipale », une de ses promesses de campagne, et lui accorder des locaux plus vastes.
Mais le préfet, qui quittera ses fonctions fin août, voit dans la décision de la municipalité de préempter les lieux un « vice de forme, car le critère d'intérêt général n'est pas suffisamment motivé », mais aussi un « détournement de pouvoir », indiquait début août la préfecture. Selon elle, « l'objectif principal de la préemption est de faire échec au transfert du lieu de culte musulman ». Or, fait-elle valoir, « la protection de l'exercice du culte est une composante de la laïcité ».
La préfecture à la rescousse
La procédure de la préfecture s'inscrit dans le cadre du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, en l'occurrence une délibération municipale du 29 juin. L'AMMS s’est solidarisée avec le préfet, son président Abdelaziz El Jaouhari dénonçant « un positionnement idéologique ».
Cyril Nauth s'en défend : « notre projet est sérieux, solide et concret », motivé par « l'intérêt général », soutenait-il en juin, « ce qui n'est pas le cas d'un lieu de culte musulman ». Selon lui, la bataille judiciaire qui s'annonce cache « une volonté politique des services de l'État de favoriser le culte musulman » et d'« empêcher le FN de remporter une victoire un peu symbolique ».
Depuis la campagne des municipales de 2014, le projet de salle de prière agite la commune populaire de Mantes-la-Ville, 20 000 habitants, en banlieue parisienne. Ce projet, soutenu par l'ex-maire socialiste, est désormais combattu par son successeur frontiste. M. Nauth se dit « choqué comme beaucoup de Mantevillois » par la proximité du futur lieu de culte avec un cimetière. Autres griefs : des problèmes de circulation et de stationnement", « l'absence de concertation » et en toile de fond, « une opération électoraliste » de sa prédécesseure.
Imbroglio politico-religieux
Le feuilleton remonte à fin 2013 : la municipalité PS décide de racheter les lieux à la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (Camy) pour les revendre à l'AMMS. Mais coup de théâtre, en mars 2014, le FN est élu face à une gauche déchirée, notamment sur le sujet de la mosquée.
Deux mois plus tard, le maire sèche le rendez-vous chez le notaire pour signer la promesse de vente. Devant ce blocage, le préfet prend le dossier en main en suggérant à la Camy de vendre directement le local à l'association, ce que l'agglomération a autorisé en mai 2015.
Le dossier divise au sein même de la communauté musulmane aux prises avec des rivalités internes. Un autre projet de mosquée est porté par l'association historique locale des musulmans El-Fethe, en conflit avec l'AMMS. Parallèlement, le maire a demandé il y a plusieurs mois à la justice l'expulsion de l'AMMS de son lieu de culte actuel, un pavillon vétuste promis aux bulldozers.
Rached Cherif
(Avec AFP)