Migration : l’idée des salles d’audience délocalisées dans les CRA resurgit

 Migration : l’idée des salles d’audience délocalisées dans les CRA resurgit

La zone d’attente de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. JOEL ROBINE / AFP


L’ombre d’une salle d’audience délocalisée dans les zones d’attente de Roissy refait surface. Selon l’observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), des instructions auraient été données, par le cabinet du garde des Sceaux, en vue de l’ouverture d’une de ces salles en janvier prochain. Inadmissible pour les associations ayant déjà vivement exprimé leur désaccord quant à cette mesure en 2013…


Eternel recommencement


En 2013, deux salles d'audience délocalisées, près du centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot et près de la zone d'attente de personnes en instance (ZAPI) à Roissy, devaient permettre, officiellement, de faciliter les démarches à suivre pour les sans-papiers en leur évitant de fastidieux allers-retours au tribunal. Mais pour les associations de défense de droits des étrangers, il s'agit surtout de rendre une justice expéditive pour satisfaire une politique du chiffre.


Une idée qui ne date donc pas d’hier; d’ailleurs dès 2003 trois salles avaient été construites dans des CRA, via une loi sur « la maîtrise de l’immigration » introduite par la ministre de l’Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy. En 2008, la cour de cassation a déclaré illégales les salles de Marseille et Toulouse. En 2010, le projet d’annexe de Bobigny refait surface, pour être enterré en 2013 et déterré en 2016.


Justice d’exception ?


Dès 2013, les réserves concernant ces salles délocalisées étaient sérieuses. Eloignées, peu desservies par les transports en commun, ces annexes isolent un peu plus les étrangers, qui auront d’autant plus de mal à être aidés de l’extérieur : « Les familles ne pourront pas apporter les documents nécessaires, ce sera une justice à huis clos et donc aucune garantie d’indépendance bien entendu » estimait à l’époque Me Saliha Herida, avocate à la cour, pointant une justice d’exception.


Aujourd’hui, dans un courrier adressé au garde des Sceaux (24 novembre), l’OEE rappelle les résultats peu concluant de la mission demandée à la ministre de la Justice de l’époque : « Madame Taubira ayant alors confié à madame De Guillenchmidt et à monsieur Bacou le soin d’établir un rapport d’évaluation de ce projet, ces derniers ont au surplus relevé que «  l’espoir d’une économie budgétaire par le recours à de nouvelles modalités de fonctionnement du fait de la mise en service de l’annexe sur l’emprise de l’aéroport de Roissy est tout à fait illusoire » et qu’il s’agit d’un simple « transfert de charges entre le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice avec un résultat final probablement très négatif pour le budget global de l’État ».


Le problème c’est que, déjà en 2013, la ministre semblait avoir les mains liées par un engagement de son ministère datant de 2010, l’obligeant « à utiliser ces locaux faute de quoi il devrait rembourser à la place Beauvau l’intégralité des travaux avoisinant les 2,7 millions d’euros ».


L’issue de ce vieux débat sera-t-elle différente cette fois-ci ? Ce qui est sûr, c’est que les associations de défense des étrangers sont d’ores et déjà dressées contre ces salles délocalisées.


CH. Célinain