Migrants : l’administration française hors la loi selon un collectif d’associations
En 2015, près de 48 000 personnes ont été privées de liberté dans les centres et locaux de rétention administrative, selon un rapport rendu public ce mardi par cinq associations, dont la Cimade, France Terre d’Asile et l’Ordre de Malte. Entre 2011 et 2015, la France s’est distinguée par un usage massif de l’enfermement des personnes étrangères en vue de leur éloignement avec pas moins de 230 000 personnes enfermées sur cette période.
France : état hors-la-loi
Une privation de liberté banalisée, alors que trop souvent l’enfermement est inutile, voire abusif et illégal, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs. En métropole, le nombre d’enfants placés en rétention a plus que doublé, passant de 45 en 2014 à 105 en 2015, au mépris des conventions internationales et européennes qui s’imposent pourtant à la France. Alors que la rétention est toujours une expérience traumatisante pour les familles, la plupart des enfants retenus ont dû subir cet enfermement uniquement pour faciliter l’organisation logistique du départ.
À Mayotte, 4 378 enfants sont passés par la rétention, dont beaucoup sont rattachés illégalement à un adulte n’ayant aucune autorité parentale. Le 101e département concentre à la fois le plus grand nombre de personnes éloignées et les atteintes aux droits les plus manifestes. Durant ces cinq dernières années, l’État a réalisé davantage d’éloignements forcés depuis Mayotte (93 100 personnes) que depuis l’ensemble des départements de la métropole. Les éloignements sont réalisés en quelques heures, sur la base de lois dérogatoires, ce qui constitue une violation manifeste des droits fondamentaux de ces personnes.
Détournement de la rétention et enfermement de personnes vulnérables
Le rapport présenté dénonce également la situation à Calais, où la pratique de la rétention est « détournée ». En dix semaines, plus de 1 100 personnes ont été interpellées à Calais puis disséminées dans des centres de rétention partout en France, de Rouen à Toulouse et de Metz à Marseille, selon les auteurs. Cela a été fait alors même que l’éloignement était quasiment impossible dès lors que ces personnes étaient principalement originaires de pays en guerre. 95 % des personnes concernées ont d’ailleurs été remises en liberté après quelques jours de rétention, avec pour seul résultat d’avoir été déplacées de centaines de kilomètres pour rien. Un constat a été corroboré par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
Autre atteinte aux droits humains : l’enfermement de personnes vulnérables. « Personnes malades, femmes enceintes, demandeurs d’asile, victimes de la traite des êtres humains » continuent à être placés en rétention par une administration dans le seul but de faciliter leur éloignement, constatent les associations signataires du document. Elle appelle à un « changement d’orientation qui favorise les formes alternatives à la rétention, la privation de liberté étant un acte grave qui ne doit en aucun cas devenir banal. »
Rached Cherif