Menacée de licenciement parce qu’elle porte le voile
Les situations se répètent et se ressemblent. Baby-Loup, Primark et aujourd’hui Camaïeu : chaque fois, une salariée s’est retrouvée sur la sellette en raison du voile qu’elle portait. Camaïeu, grande enseigne de prêt-à-porter, menace l’une de ses employées de licenciement parce qu’elle porte le voile depuis son retour de congé. Le CCIF dénonce une nouvelle affaire de discrimination en entreprise.
Un chantage professionnel
L’entreprise montre « l’étendue de sa méconnaissance des Droits de l’Homme et des lois françaises à travers le traitement infligé à l’une de ses salariées », s’alarme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). L’association a rendu public mercredi le cas de Nadia, employée de Camaïeux, qui a reçu le 6 aout dernier un courrier de la direction dans lequel elle la menace de lui retirer son emploi si elle ne revient pas sur son choix de porter le voile. Un « chantage professionnel », s’indigne le collectif. Le 18 aout, Nadia reçoit une nouvelle lettre remise en mains propres. Elle est convoquée, dix jours plus tard dans le cadre d’une procédure de licenciement, parce que « le voile n’est pas compatible avec sa fonction ».
Celui-ci précise que le travail de la salariée « était jusque-là irréprochable ». Cela n’a pas empêché l’entreprise d’entamer une procédure contraire à la jurisprudence française et européenne. Dans une délibération du 6 avril 2009, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) rappelle que, comme toute personne, le salarié a le droit à la liberté de ses opinions, qu'elles soient religieuses ou politiques, que cela plaise ou non au dirigeant.
Une jurisprudence du côté de l’employée
Plus récemment, dans l’affaire Baby Loup, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a soumis l’application de la laïcité en entreprise à des conditions claires. « En application des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du Code du travail, les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Le règlement intérieur d’une entreprise privée ne peut en effet instaurer de restrictions générales et imprécises à une liberté fondamentale », précisent ces magistrats dans leur arrêt du 25 juin 2014.
Or, il sera compliqué pour la direction de Camaïeux de justifier cette restriction à la liberté religieuse qu’elle souhaite instaurer dans ses magasins. En effet, la marque applique un traitement différencié selon que l’employé travaille ou non au contact du public. « Nous vous avons précisé que, lorsque vous travaillez en réserve, nous acceptions que vous le portiez », a-t-elle précisé dans le courrier d’avertissement.
Le collectif a annoncé qu’il se solidarise de la jeune femme et souhaite que la justice reconnaisse « le dommage subi par Nadia, mise au ban du magasin, parce que différente et surtout trop indépendante pour délaisser son choix face à la pression et à l’islamophobie ».
Rached Cherif