Matthias Fekl interpellé sur l’ouverture d’une salle d’audience « délocalisée » à Roissy
Fin 2013, le projet d'une salle d'audience « délocalisée » du tribunal de grande instance de Bobigny dans la zone aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle avait provoqué une levée de bouclier de la part des associations de défense des droits des étrangers notamment, et avait été abandonné. Aujourd'hui, le gouvernement annonce l'ouverture de cette salle pour septembre prochain. L'observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE) interpelle Matthias Fekl, ministre de l'Intérieur, et lui rappelle qu'il était, à l'époque, contre ce projet.
« Justice dégradée »
En rendant la justice au pied des pistes de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, l'OEE affirme que les conditions requises pour une justice équitable ne peuvent être remplies. L'éloignement de la salle d'audience rend l'accès difficile pour le public et les avocats, de plus, elle serait gérée par la police aux frontières, ce qui « porte atteinte à plusieurs des principes du procès équitable, notamment aux principes d’impartialité apparente de la juridiction et de publicité des débats ainsi qu’aux droits de la défense. Ce projet revient à mettre en place les conditions d’une justice dégradée, réservée aux personnes étrangères ».
Dans sa lettre à Matthias Fekl, l'OEE rappelle que le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe émettait déjà, en 2013, des réserves considérant que ce type de salles délocalisées risquaient « d’accréditer l’idée que les étrangers ne sont pas des justiciables ordinaires ». Le risque est donc bien là, celui d'avoir une justice d'exception à l'encontre des personnes en rétention dans les zones d'attente, afin de savoir si elles resteront sur le territoire ou si elles le quitteront.
Contradiction ?
Dans son courrier au ministre de l'Intérieur, l'OEE avance un argument de poids : « vous avez vous-même posé une question au ministre de la Justice le 17 septembre 2013, vous interrogeant sur le maintien de ce projet qui soulève « de nombreux problèmes de principe au regard des droits et libertés tels que garantis par la République française » et demandant au gouvernement de l’époque « de renoncer à l’ouverture de ces tribunaux annexes » ».
Matthias Fekl apostrophait lui-même le ministre de la Justice alors en place, à savoir Christiane Taubira, et aujourd'hui ce dernier fait partie du gouvernement qui remet au goût ce projet.
La solidarité autour de la politique du gouvernement l'emportera-t-elle sur les convictions ? Rien n'est moins sûr, d'autant plus que le changement de gouvernement est de plus en plus proche. Il est peu probable que Matthias Fekl se prononce sur un dossier aussi sensible avant la fin, toute proche, de son mandat.
CH. Célinain