France/Maghreb : Le début de la fin ?
Pourquoi cette information passée inaperçue est particulièrement inquiétante pour nous autres Africains du Nord ? Le mois dernier, le général Thierry Burkhard, chef d’Etat-major des armées, a levé l’embargo sur un document résumant sa « vision stratégique » de l’avenir des armées françaises.
Pour résumer, ce fascicule n’est ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre en bonne et due forme. En effet, l’armée de l’Hexagone abandonne le triptyque « paix-crise-guerre » qu’elle remplace désormais par « compétition-contestation-affrontement ».
Autrement dit, l’armée française renonce à l’idée d’être d’abord une armée qui défend la paix. Bien sûr, les bruits de botte français résonnent face à la Russie et son interventionnisme en Ukraine, mais ils n’écartent pas d’éventuelles interventions pour peser sur les tensions militaires qui s’accroissent entre les différents pays africains et surtout sur cette détestation commune de la France en terre d’Afrique.
Et nous dans tout ça ? Il faut savoir que si le jeu trouble de la France au Maghreb a toujours été une réalité depuis les indépendances des trois pays que sont le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, la diplomatie de l’Hexagone n’a jamais été marquée par une ligne claire vis-à-vis de ces pays. Tantôt un coup à Alger, tantôt un coup de froid avec Rabat, une pique aux Tunisiens, l’essentiel, c’est de maintenir les dirigeants de ces nations sous une pression constante.
Qui est responsable de l’invasion du Nord du Mali par les djihadistes venus de la Lybie conséquence du chaos créé par son intervention en Lybie en 2011 pour faire tomber le régime de Mouammar Kadhafi, si ce n’est la France ? Quel est le pays européen qui a osé faire un chantage odieux aux visas Schengen si ce n’est la France ?
Plus de soixante ans après les indépendances, ces pays subissent des coups bas et une pression underground non seulement pour les empêcher de faire décoller leur économie mais aussi d’aller regarder si l’herbe est plus verte ailleurs.
Au lieu d’une mise à plat des accords économiques datant des années d’indépendance signés entre la France et ses anciennes colonies du Maghreb, la barbouzerie française a mis en place des mécanismes de rétorsion qui vont de l’interpellation directe des dirigeants aux campagnes de diffamations qui visent de temps à autre tel ou tel chef d’Etat, quand ce n’est pas son entourage direct.
On parle beaucoup de la France-Afrique mais jamais de la France-Maghreb. Avec Emmanuel Macron, le style a changé, mais apparemment en pire. Toujours en « campagne de communication », le Président français, distribue un jour les bons points aux chefs d’Etat maghrébins et le lendemain des critiques qui frisent l’insulte tant elles semblent disproportionnées, comme quand il a dénié à l’Algérie le statut de nation rappelant que ce pays est une simple création française !
Au moment où semble se profiler une refonte profonde des relations entre la France et le Maghreb, la peur de voir ce pays – accusé de soutenir des dictateurs africains et les coups d’État à répétition – remettre à jour ses velléités d’interventionnisme à l’ordre du jour est grande, à mesure que l’Afrique du Nord regarde ailleurs et noue des partenariats avec des nations étrangères au pré carré européen.
En effet, comme nous l’avons indiqué plus haut, la mainmise de la France sur certains pays africains, dénoncée par les sociétés civiles africaines cristallisant ainsi l’essentiel des critiques portées vers l’Hexagone, devrait forcer ce pays à jouer des divergences entre les chefs d’Etat maghrébins en vue de redorer son blason en Afrique du Nord.
La « méthode Macron », qui a fait de l’agacement régulier des officiels des pays africains (et des citoyens aussi, le tour de vis sur les visas frappe avant tout le petit peuple) un jeu, débouche souvent sur des « clashs diplomatiques », souvent considérés par les matamores de l’Élysée comme des victoires d’opinion, acte désormais du recul de la France observé d’une manière générale sur le continent africain et de manière particulière sur le Maghreb.
C’est ce qu’on appelle jouer avec le feu, sachant que dans un pays comme l’Algérie, les manettes du gouvernement et la gâchette sont entre les mains des généraux alors que la Libye est sur un baril de poudre.
Le Maroc tire son épingle du jeu et suit tranquillement son petit bonhomme de chemin, ce qui ne manque pas d’irriter les petits chefs qui s’activent de l’autre côté de la Méditerranée. C’est ce qui explique la profusion des fleurons de la presse française qui ont titré pour la plupart dans la même semaine « Algérie-Maroc : la guerre (la vraie) est possible ».
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