Loi antiterroriste : L’état d’urgence « permanent », un danger pour l’Etat de droit ?

 Loi antiterroriste : L’état d’urgence « permanent », un danger pour l’Etat de droit ?

France. Le Sénat a définitivement adopté la loi antiterroriste


Mercredi dernier (18 octobre), la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a été définitivement adoptée par le Sénat. Cependant, les organisations s'étant opposées à cette loi et au fait que plusieurs mesures de l'état d'urgence entrent donc dans le droit commun, annoncent qu'elles vont rester vigilantes à d'éventuels emplois abusifs des procédures, comme cela a déjà été le cas au cours de ces 20 derniers mois sous l'état d'urgence.


Paradoxe


La nouvelle « loi antiterroriste » a donc été adoptée. Plusieurs mesures de l'état d'urgence entrent dans le droit commun malgré le fait que ces mesures n'aient pas prouvé leur efficacité depuis les attentats de 2015 à Paris, comme le souligne Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) : « En dépit de pouvoirs extraordinaires donnés au ministre de l'Intérieur, au préfet, à la police, c'est finalement par des mesures de droit commun que des procédures antiterroristes ont pu être engagées pendant cette période de l'état d'urgence (…) On a réussi à faire croire aux Français que ces mesures étaient nécessaires or, de fait, elles ne le sont pas. Parce que le droit français a déjà été profondément durci, renforcé, pour permettre des actions de travail fondées sur l'Etat de droit ».


Unité nationale


De plus, pour le président de la LDH, l'adoption de cette loi a un effet pervers sur la perception des auteurs des actes terroristes et sur l'unité nationale : « Cette loi a divisé l'unité nationale, en indiquant que finalement les terroristes pouvaient avoir un visage, une nationalité, une religion. Or hélas, les terroristes qui ont procédé à des actes barbares insupportables étaient, pour beaucoup, français ».


Observer et agir


L'adoption de la nouvelle « loi antiterroriste » ne signifie pas la fin du combat pour dénoncer la mise en place d'un état d'urgence permanent. Le syndicat de la magistrature, la LDH et bien d'autres organisations, ont d'ores et déjà prévu la mise en place « d'observatoires pour recenser les abus et dérives » afin de pouvoir agir par la suite : « Nous avons les questions prioritaires de constitutionnalité, c'est-à-dire que nous contesterons, par la justice, certaines dispositions qui seront prises à l'encontre d'individus injustement pris dans les filets, lorsqu’il y aura des détournements de ces procédures par rapport à son objet qui est la lutte contre le terrorisme ». L'exemple des procédures de l'état d'urgence utilisées contre le mouvement social contre la loi travail ou contre les militants manifestant autour de la COP21, soulevait déjà la question de la possibilité d'une application arbitraire.


Inquiétude


Les parlementaires ont intégré une date de révision en 2020 ce qui signifie que l'état d'urgence est inscrit dans le droit commun pendant trois ans. La LDH ne cache pas son inquiétude quant à l'avenir : « Notre principale inquiétude c'est de savoir quelle sera l'étape d'après, si la France est à nouveau touchée par un attentat immonde et violent ? C'est l'article 16, et encore plus d'armée dans la rue ? C'est supprimer l'ensemble des libertés ? Là, par cette mesure, nous n'avons plus de levier pour pouvoir agir, sauf à sortir véritablement de la démocratie… ».


CH. Célinain