Les députés adoptent la retenue de 4 heures après un contrôle d’identité

 Les députés adoptent la retenue de 4 heures après un contrôle d’identité

La police pourra décider de retenir un individu en cas de soupçons sur son « comportement ». Sebastien Nogier/AFP


L'Assemblée nationale est entrée mercredi dans le vif des dispositions les plus litigieuses du projet de réforme pénale post-attentats, en donnant son feu vert à une retenue jusqu'à quatre heures après un contrôle d'identité, avant l'examen du volet sur l'usage des armes par les forces de l'ordre. Ce projet de loi de « lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement » vise à prendre le relais du régime de l'état d'urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre et prolongé jusqu'au 26 mai.


 


Retenue « arbitraire » ?


Les forces de l'ordre pourront retenir une personne « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste », le temps de vérifier sa situation, par exemple auprès de services étrangers. Relayant les inquiétudes d'associations, de magistrats et du Défenseur des droits, une part des écologistes, des radicaux de gauche, le Front de gauche, des socialistes frondeurs et Patrick Devedjian (LR) ont cherché en vain à supprimer cet article clé du projet gouvernemental.


Le frondeur Pouria Amirshahi a dénoncé l'introduction de « l'arbitraire dans la loi » et condamné la « durée inouïe de quatre heures ». Des amendements de divers bords pour l'intervention d'un avocat ont été rejetés. Lors d’une rencontre avec des électeurs de sa circonscription (Maghreb et Afrique de l’Ouest), M. Amirshahi dénonçait en janvier ce principe de la retenue sur la base d’un comportement et non d’une action. « Comment définit-on comportement ? Porter la barbe ou certaines tenues deviendront-ils des comportements inappropriés aux yeux des policiers ? » s’est interrogé le député socialiste.


Mercredi après-midi, en marge d'un article sur la fouille des bagages, l'Assemblée avait rejeté la mise en place d'un récépissé de contrôle d'identité, comme le proposaient des députés socialistes et écologistes qui ont rappelé l'engagement du candidat François Hollande en 2012 de lutter contre le « délit de faciès ».


 


Soutien de la droite et de l’extrême droite


Face à des critiques venant principalement de députés à gauche contre cette mesure phare du projet de loi, examiné en première lecture jusqu'à vendredi, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a dit qu'il s'agissait de pouvoir « prévenir le risque terroriste ». Comme pour le projet de réforme constitutionnelle, le gouvernement a reçu le soutien d’une partie de l’opposition contre des élus de sa majorité.


Des députés LR favorables à la retenue, tel Éric Ciotti, auraient même souhaité porter sa durée à huit heures maximum. Son voeu a été rejeté. L'élu de droite est en revanche parvenu à faire voter le rétablissement de l'autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, afin de tenter de limiter les départs vers des zones de conflits comme la Syrie.


 


Contrôle administratif plutôt que judiciaire au retour du jihad


Le projet gouvernemental prévoit par ailleurs un contrôle administratif pour des individus de retour du « jihad ». Aux yeux de M. Cazeneuve, il est « indispensable, pour les personnes non judiciarisées, d’avoir à notre disposition un outil permettant de contrôler les conditions dans lesquelles elles reviennent sur notre territoire et de les inciter à se soumettre à un programme de déradicalisation ».


Là aussi, des amendements d'une partie de la gauche visent à supprimer la mesure, perçue comme un « nouveau transfert » du judiciaire vers l'autorité administrative. À l'inverse, des députés LR, UDI et FN entendent durcir les contrôles, voire interdire le retour sur le territoire pour ces personnes.


Rached Cherif


(Avec AFP)