France. L’enquête sur l’antisémitisme qui tord le cou aux clichés
A l’occasion du quinzième anniversaire du meurtre d’Ilan Halimi (le 20 janvier 2006, le jeune homme de 23 ans avait été séquestré pendant trois semaines par le « gang des barbares »), le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a commandé un sondage sur la perception de l’antisémitisme aujourd’hui en France, auprès d’Ipsos France. Dominique Vidal est historien et journaliste. Spécialiste des relations internationales et notamment du Proche-Orient, il revient pour le Courrier de l’Atlas sur les résultats de cette enquête.
LCDL : Quel bilan tirez-vous de cette enquête relative à l’antisémitisme ?
Dominique Vidal : Depuis des années, le CRIF tente de culpabiliser les Français en les dépeignant comme un peuple antisémite et inconscient de l’être, surtout lorsqu’ils sont d’extrême gauche, écologistes ou même de gauche. Cette enquête remet les pendules à l’heure et montre le contraire.
C’est-à-dire ?
Pour commencer et contrairement à ce que martèle Habib Meyer (NDLR : député de la huitième circonscription des Français établis hors de France depuis 2013), nos concitoyens sont bien conscients de la réalité de l’antisémitisme. Ils sont 54 % à estimer que c’est « un phénomène répandu », 20% « très répandu ». Deuxième leçon importante : 88% des sondés pensent majoritairement que « la lutte contre l’antisémitisme doit être pour les pouvoirs publics un sujet important (55%).
Au niveau politique, les sondés pensent que plus on est à droite de l’échiquier, plus on est antisémite, que l’antisémitisme serait répandu à 72% chez les électeurs du Rassemblement national contre 38% chez les sympathisants de partis d’extrême gauche comme la France insoumise.
Quid des différentes catégories de la population française ?
Après de nombreuses années à désigner le musulman comme ennemi de l’intérieur et responsable de tous les maux de notre société, « sans surprise », les Français interrogés pensent que l’antisémitisme est répandu à 82% chez les « musulmans », 72% chez les « personnes issues de l’immigration » et 52% chez les « jeunes », etc.
Cette enquête réalisée quinze ans après la mort d’Ilan Halimi montre aussi que la majorité des Français ont entendu parler de ce crime ignoble …
Effectivement. Et c’est plutôt encourageant. 69% des sondés ont entendu spontanément parler de l’affaire Ilan Halimi, un peu moins chez les moins de 35 ans, où ils sont 54% à connaître le sort tragique qui a été fait à ce Français de confession juive. Un chiffre qui s’explique par le fait qu’ils étaient très jeunes quand le drame s’est produit… il y a 16 ans.
L’enquête interroge également sur la perception de l’antisionisme …
Notons d’abord que 38% des Français ignorent ce que ce terme signifie. Ils sont 43% à penser que c’est « le fait de vouloir la disparition de l’État d’Israël », 19% « de critiquer la politique menée par les gouvernements israéliens successifs ». 83% des sondés affirment qu’« il est possible de critiquer Israël sans être antisémite ».
Ces chiffres créent une gêne chez Francis Kalifat, le président du CRIF, une institution qui passe son temps à défendre la politique indéfendable de l’Etat d’Israël à l’encontre du peuple palestinien. Ce dernier a donc tenu bon de préciser : « La critique de la politique d’un État quel qu’il soit, État d’Israël compris, ne peut être en aucun cas empêchée et ne peut être en aucun cas de l’antisémitisme. Ça, il faut que ce soit clair pour tout le monde. Ce qui est de l’antisémitisme, c’est la négation de l’État d’Israël, sa délégitimation comme cela pourrait l’être pour n’importe quel autre État ». Ça va mieux en le disant !
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