Le divorce Taubira

 Le divorce Taubira

FRANCE


 


Depuis son arrivée à la Justice, Christiane Taubira cristallise les passions. Icône pour les uns, ennemie pour les autres, elle vient de claquer la porte du gouvernement après quatre années marquantes et mouvementées.


 


Tous ceux qui l’apprécient l’appelaient de leurs vœux, Christiane Taubira vient de quitter le gouvernement. Opposée au projet mené par Manuel Valls d’inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution, la ministre de la Justice a claqué la porte.


Personnalité atypique à gauche depuis plus de 20 ans, la Guyanaise a souvent dérangé. A droite, évidemment, mais aussi dans son propre camp. Une partie ne lui a jamais pardonné sa candidature de 2002, l’accusant d’avoir fait perdre Jospin au profit de Jean-Marie Le Pen.


Dès sa nomination, Place Vendôme, la droite l’accuse de laxisme. Le ministre de l’Intérieur aussi. Sa réforme pénale supprimant les peines planchers et instaurant une alternative à la prison ne plait pas à Manuel Valls.  


Pourtant, lorsqu’il devient Premier ministre en 2014, il ne peut que confirmer Christiane Taubira. Véritable icône d’une partie de la gauche, elle est l’une des personnalités préférées du gouvernement. Et surtout elle vient de faire adopter, après un combat acharné, la loi sur le mariage homosexuel.


Mais les victoires sont souvent de courtes durées en politique. Sa popularité commence à s’effriter. Irrités par l’interception de conversations entre Nicolas Sarkozy et son conseil, Me Thierry Herzog, ses avocats s’agacent lorsqu’elle soutient qu’aucune profession ne peut prétendre à l’impunité. Pour se justifier dans ce qu’elle qualifie de « feuilleton de mauvaise qualité », Christiane Taubira brandit un document censé la conforter, qui se retournera contre elle.


Ses relations avec la magistrature, tendues, continuent de se détériorer. Christophe Régnard, président de l’Union syndicale de la magistrature, déclare alors, « Madame Taubira a une réputation de quelqu’un de très flamboyant à l’oral. Mais une communication ministérielle doit être un peu cadrée pour être audible » et décrit « quelqu’un avec qui il est très difficile de travailler parce qu’elle a un certain nombre d’idées préconçues ».


 


« Encore une proposition du FN reprise par François Hollande »


La déchéance de nationalité aura eu raison d’elle. Opposée frontalement à Manuel Valls, elle a donné sa démission, ce mercredi 27 janvier, quelques heures avant que le Premier ministre ne présente aux députés la dernière mouture du texte incriminé.


Un proche de Manuel Valls prend sa place, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des Lois à l’Assemblée nationale.


Dans un communiqué, l’Elysée explique que François Hollande et Christiane Taubira « ont convenu de la nécessité de mettre fin à ses fonctions au moment où le débat sur la révision constitutionnelle s’ouvre à l’Assemblée nationale ».


Fidèle à son style, l’ex ministre a tweeté après sa démission, « parfois résister c’est rester, parfois résister c’est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l’éthique et au droit ».


Les réactions n’ont pas manqué d’afflué après ce départ attendu. Marine Le Pen s’est dite soulagée, saluant « une bonne nouvelle pour la France ». Pour Guillaume Larrivé (LR), elle a été « la pire ministre de la Justice de la Ve République ». Alain Juppé s’est montré plus mesuré au micro d’iTélé, « c’est une décision qui l’honore, d’une certaine manière ».


A gauche on salue « ses convictions » dixit Benoît Hamon. Cécile Duflot se réjouit de « cette décision de courage et de conviction ». Bruno Le Roux, le patron des députés PS, lui a exprimé son « respect ».


« Elle aura mené avec conviction, détermination et talent la réforme de la Justice et joué un rôle majeur dans l’adoption du mariage pour tous » a sobrement commenté François Hollande.


D’autres en profitent pour tacler le gouvernement. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon qui ironise sur Twitter: « Encore une proposition du FN et de la droite reprise par François Hollande : faire partir Taubira ».


Aurélie Flipetti n’en dit pas moins,  « Hommage à Christiane Taubira qui choisit la fidélité à ses convictions plutôt qu’à des hommes. Hollande rétrécit encore la majorité de 2012 » 


Valérie Trierweiler a salué l’ex-ministre à sa façon, « hommage à Christiane Taubira qui a porté l’une des plus grandes réformes de société avec le Mariage pour tous ».


Une démission qui affirme la position d’une femme forte et libre qui pourrait bien devenir la figure de proue d’une gauche qui ne se retrouve plus dans la politique menée par le gouvernement.  


 


 Jonathan Ardines