Le député socialiste Alexis Bachelay dépose un amendement pour que le « boycott » ne soit plus un délit
C’est une première. Et c’est une initiative salutaire pour tous les amoureux de la liberté d’expression. Alexis Bachelay, député socialiste des Hauts-de-Seine a déposé ce mercredi 22 juin à l’Assemblée nationale un amendement pour que le boycott ne soit plus un délit.
Même si son amendement au projet de loi « Egalité et Citoyenneté » ne le dit pas clairement, c’est bien la circulaire Alliot-Marie qui est visée. Le 12 février 2010, celle qui est à l’époque garde des Sceaux, demande aux parquets d'engager des poursuites contre les personnes appelant, ou participant, à des actions de « boycott » des produits déclarés israéliens et issus des colonies israéliennes en Palestine.
Dans le collimateur du ministre de la Justice, la campagne BDS, « Boycott-désinvestissement-sanctions », lancée en 2005 par des associations palestiniennes, et qui commence sérieusement à inquiéter Israël ainsi que ses partisans à travers le monde.
« Avec d’autres parlementaires, j’avais écrit une lettre à Christiane Taubira, alors, garde des Sceaux, lui demandant l’abrogation de la circulaire Alliot-Marie », explique Alexis Bachelay. « Malheureusement, nous n’avons pas obtenu l’arbitrage du Premier ministre, regrette le député. Et comme les décisions de justice visent à aller dans le sens de la circulaire, il me semblait important de déposer cet amendement », continue Alexis Bachelay.
Effectivement, depuis la publication de la circulaire, des dizaines de militants ont été traduits devant les tribunaux. Mais la justice française a longtemps hésité et divergé, entre annulations de poursuites, relaxes au nom de la « liberté d’expression» et condamnations au titre de la « provocation à la discrimination ». Mais deux arrêts du 20 octobre 2015 de la Cour de cassation viennent condamner l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen. Critiquer donc la politique d’un Etat tiers est interdit. Seuls les boycotts décidés par l’Etat, à savoir les embargos, sont légaux.
« La France est un des rares pays au monde dans lequel cette pratique est interdite. Pourtant, la pratique du boycott n’est pas nouvelle dans notre histoire. Dès les années 1950, Albert Luthuli, alors président de l’African National Congress, avait lancé un appel aux pays occidentaux qui étaient partenaires économiques et financiers du régime d’apartheid en Afrique du Sud, à rompre leurs relations avec ce régime », rappelle dans son amendement le député des Hauts-de-Seine.
« Le boycott est une modalité importante d'exercice de la liberté d'expression. Le TGI de Pontoise, dans une décision du 14 octobre 2010 avait d'ailleurs considéré que l’appel au boycott relevait d’une « critique pacifique de la politique d’un État et du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique », continue Alexis Bachelay dans son amendement.
« C’est surtout une question de principe : imaginons que demain l’Autriche soit dirigée par un gouvernement d’extrême droite qui applique une politique discriminatoire, pourrions-nous envisager de manière légale le boycott ? », interroge le député.
« En droit international, une mesure de « boycott-sanction » à l’encontre d’un Etat peut d'ailleurs être menée dans certains cas, après autorisation du Conseil de Sécurité des Nations Unies », détaille encore Alexis Bachelay dans son amendement. « C'est pourquoi il est proposé de prévoir une exception pour les boycotts qui viseraient uniquement des produits ou producteurs concourant à la politique contestée d’un État. Ainsi ne serait pas visée la nationalité d'une entreprise ou d'une personne, mais bien son lieu de production ».
Le projet de loi sera débattu à l’Assemblée à partir de lundi (27 juin) et « l’amendement Bachelay » présenté jeudi ou vendredi (30 juin ou 1er juillet). Le député ne peut assurer le succès de son amendement mais il pense que cette première initiative permettra « d’ouvrir une brèche ».
Nadir Dendoune