La justice tunisienne absente du procès d’un pédophile ayant abusé de 41 jeunes tunisiens

 La justice tunisienne absente du procès d’un pédophile ayant abusé de 41 jeunes tunisiens

Les justices tunisienne et égyptienne n’ont pas coopéré avec les enquêteurs français sur les cas d’abus sexuels de leurs ressortissants.


Au moins 66 garçons abusés, dans trois pays étrangers, sur plus de dix ans. Un accusé « très croyant », « humanitaire ». Des sévices « à la limite des actes de torture et de barbarie ». Devant les assises à Versailles, l'enquêtrice résume : « un dossier hors normes ». Toutefois, deux des pays d’origine des victimes, la Tunisie et l’Égypte, n’ont pas collaboré activement à l’enquête, qui n’a donc pas pu identifier toutes les victimes.


 


Des centaines de films et des milliers de photos


Regard noir, immobile dans le box, Thierry Darantière fixe l'écran où témoigne, par visioconférence, la patronne du groupe central des mineurs victimes à l'Office central pour la répression des violences aux personnes, le service de police qui l'a interpellé en 2012. Un service spécialisé, rompu aux affaires de tourisme sexuel, aux images pédopornographiques. Mais « on peut le dire », affirme la commandante, l'affaire est « hors normes ».


D’abord par le nombre de victimes recensées : 66 garçons de 6 à 17 ans. Ensuite par la durée et la zone géographique concernée. Le pédophile présumé aurait en effet écumé le Sri Lanka, la Tunisie et l'Égypte pendant plus de 10 ans avant d’être arrêté. Ce sont des images « particulièrement dures » issues d’une « production personnelle » de centaines de films et de milliers de photos qui ont été repérés sur internet par le FBI avant d’être retrouvées chez l'accusé : des viols, agressions sexuelles, et « des choses qu'on n'avait jamais vues », selon l’enquêtrice.


Une « gradation », raconte-t-elle ; « des agressions beaucoup plus dures sur les clichés du Sri Lanka », « à la limite des actes de torture et de barbarie » avec emploi d'objets sexuels ou injections à la seringue dans le pénis des enfants. Sur des images apparaissent deux frères agressés au même moment, yeux bandés. Certaines vidéos durent 45, 60, 70 minutes. Ces actes ont été répétés sur plusieurs années – « on voyait que les victimes vieillissaient » – contre une rémunération « dérisoire », « de l'équivalent de quelques centimes d'euros à quelques euros ».


 


Les justices tunisienne et égyptienne aux abonnés absents


L'accusé assure que les garçons étaient consentants, qu'ils connaissaient « les gestes ». « Des enfants grimaçaient, essayaient de se défendre », rétorque la policière. « C'est toujours M. Darantière qui leur montrait, il les guidait, voire les forçait. Pour les plus jeunes, on sentait que c'était la première fois, on les voyait décontenancés, démunis ». « Pas de coups, mais de la contrainte, c'est sûr ». Un Sri-Lankais a d’ailleurs été identifié comme « rabatteur » pour le compte de l'accusé. « Nombre d'enfants étaient prépubères, manifestement moins de 13 ans », explique la policière.


Seul le Sri Lanka a coopéré avec la justice française sur 19 des 66 cas recensés, déplore l'enquêtrice. Si l'Égypte et la Tunisie avaient participé à l'enquête, « on aurait certainement pu identifier davantage de victimes ». 41 garçons âgés de 6 à 17 ans figurent sur les vidéos de vacances ramenées de Tunisie. Six autres seraient égyptiens.


Rached Cherif


(Avec AFP)