« La gâchette facile », une bavure racontée par un frère
Hassan Ben Mohamed est le frère de Lahouari Ben Mohamed tué, à l’âge de 17 ans, par un policier, lors d’un contrôle d’identité. L’auteur aura mis 4 ans à écrire « La gâchette facile », pour « ouvrir le sarcophage de la mémoire et (se) replonger dans la douleur ».
Il est des livres poignants qui savent vous remuer avec une histoire pourtant terriblement banale. « La gâchette facile » de Hassan Ben Mohamed, paru aux éditions Max Milo, est le récit, très bien documenté, de la bavure dont le frère de l’auteur a été victime en 1980 à Marseille. Un récit « à la rencontre de sa propre histoire », raconté de l’intérieur, avec la famille, les proches : « Pourquoi sont-ce toujours les autres qui racontent notre histoire et qui finissent par en disposer comme bon leur semble ? », s’interroge très justement Hassan Ben Mohamed.
Dans les pages de son livre d’histoire
Hassan Ben Mohamed a 4 ans lorsque son frère est assassiné par Jean-Paul T., un jeune CRS de 23 ans. De ce drame, longtemps, il ne saura pas grand chose. Il sera même envoyé chez sa tante « loin du tumulte qui régnait à la maison ». Hassan Ben Mohamed découvrira la vérité par lui-même… dans les pages de son livre d’histoire, sur les bancs de l’école. « L’histoire de mon frère m’a hanté durant toute ma vie », écrit-il.
Des propos qui résonnent
Le soir du drame, tous les témoignages concordent. Le CRS a eu cette phrase avant que le contrôle d’identité ne tourne au drame : « Attention les jeunes, je ne sais pas si c’est le froid, mais ce soir, j’ai la gâchette facile… ». Des propos qui annoncent la terrible suite. Et qui ont résonné longtemps dans la tête des proches de la victime, présents sur les lieux du drame. Et pourtant, la plupart d’entre eux n’en ont jamais reparlé… jusqu’à ce livre.
Colère et résilience
En point d’orgue du récit, il y a la rencontre entre Hassan Ben Mohamed et le policier qui a abattu son frère, dans un café à Marseille. L’homme n’est pas le monstre que le frère de la victime s’est imaginé. Mais l’occasion est belle pour exprimer son ressentiment. Hassan Ben Mohamed ne lui manifeste pour autant pas de colère. Et pourtant. Dès le lendemain du drame, le CRS a été inculpé d’homicide involontaire et placé sous mandat de dépôt. Il sera condamné en 1987 à 10 mois de prison, dont 4 avec sursis… avant d’être finalement amnistié.
Aujourd’hui, Hassan Ben Mohamed a lui-même intégré la police. Il raconte même qu’il est devenu « collègue d’un CRS qui était présent ce soir-là ». Une histoire au-delà de la résilience.
Chloé Juhel
« La gâchette facile », Hassan Ben Mohamed, paru aux éditions Max Milo.