L’imposture du « choc des civilisations »

 L’imposture du « choc des civilisations »

« La guerre des civilisations n’aura pas lieu – Coexistence et violence au XXIe siècle »


 


Auteur de « Le mythe de l’islamisation », paru au Seuil, Raphaël Liogier est sociologue et philosophe spécialisé sur les questions de religion. Après avoir publié différents travaux sur le bouddhisme, il s’intéresse désormais à l’islam. Ce qu’il fait, une fois de plus, dans son dernier ouvrage intitulé « La guerre des civilisations n’aura pas lieu – Coexistence et violence au XXIe siècle », paru aux CNRS éditions.


 


Tous les étudiants en Droit et Sciences Politiques ont étudié la notion de « choc des civilisations » que l’on associait alors principalement à un nom : celui de Samuel Huntington, ce « respectable universitaire » de Harvard, comme l’appelle Raphaël Liogier. Le philosophe commence par nous rappeler que c’est en réalité un autre homme, Basil Mathews, qui l’a utilisé dans un essai le premier, et qui se présente comme un « chrétien occidental » ayant pérégriné en terres musulmanes.


C’était en 1926. Puis le terme a été repris, plus tard, par Bernard Lewis, en 1957, lors d’un discours et dans un contexte particulier que l’auteur a déjà évoqué à travers un autre ouvrage, « Le complexe de Suez », qui repose sur la théorie selon laquelle l’Europe serait un « continent narcissiquement meurtri » qui se vivrait comme assiégé et serait obnubilé par « l’angoisse de l’effacement identitaire ».


 


Une histoire qui remonte au processus de colonisation


Dans « La guerre des civilisations n’aura pas lieu », Raphaël Liogier nous explique que ce concept de « choc de civilisation » est un leurre, qu’il ne reflète en rien la réalité du monde contemporain. Selon lui, « l’opposition supposée entre l’Islam et l’Occident n’est pas l’expression d’un quelconque choc des civilisations, mais le produit d’une histoire qui remonte au processus de colonisation par l’Europe du reste du monde ».


 


Réapparition du différencialisme


Le philosophe se base également sur des déclarations plus récentes, telles que celle de Claude Guéant, en février 2012, qui appela à « protéger notre civilisation » lors d’un discours sur la République. Pour Raphaël Liogier, nous sommes passés à « la réapparition d’un différencialisme qui s’est racheté une honorabilité par le culturel ». Le différencialisme repose sur l’idée que la différence est fondamentale. Il faut la protéger chez soi et chez l’autre. 


 


Chloé Juhel


« La guerre des civilisations n’aura pas lieu – Coexistence et violence au XXIe siècle », de Raphaël Liogier, paru aux CNRS éditions