« L’idéal serait que les Chibanis puissent séjourner dans leur pays d’origine autant qu’ils le souhaitent « , Alexis Bachelay, député PS des Hauts-De-Seine

 « L’idéal serait que les Chibanis puissent séjourner dans leur pays d’origine autant qu’ils le souhaitent « , Alexis Bachelay, député PS des Hauts-De-Seine

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Jeudi 8 octobre 2015, il y a quelques jours donc, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine publie un décret qui annonce la mise en place dès le 1er janvier 2016, d'une allocation spécifique à destination des « Chibanis » vivant seuls en foyer. Une aide qui remplace l’allocation vieillesse traditionnelle (ASPA) et qui permettrait à ces retraités d’effectuer des « longs séjours » dans leurs pays d’origine sans perdre les droits à cette allocation. 


 


Ce qui n’était pas le cas auparavant, puisqu’ils étaient contraints de séjourner au moins 6 mois et un jour en France pour pouvoir en bénéficier. Mais l’annonce de la suppression des allocations logements (voir notre article), ou la durée incertaine des séjours commence déjà à inquiéter certaines associations. Pour y voir un peu plus clair donc, nous avons choisi d’aller interroger Alexis Bachelay, député socialiste des Hauts-De-Seine, mais surtout rapporteur en 2013 d’une mission d’information sur les immigrés âgés. 





LCDL : On parle dans ce décret de séjour « longue durée ». C’est un peu flou, non ? 


Alexis Bachelay : Avant toute chose, je me félicite que Marisol Touraine ait tenu ses engagements pris devant la Mission d’information sur les immigrés âgés en 2013 et dont je suis le rapporteur. Cette allocation avait été instaurée en 2007 dans la loi Dalo (NDLR : qui permet aux mal logés de faire valoir leur droit à un logement décent) mais ces décrets d’application n’avaient jamais été publiés.


C’est pourquoi, la mission d’information s’est vivement impliquée pour rendre effective cette mesure. Après, par rapport à votre question, même si la durée n’est pas précisée, cela sera définitivement beaucoup plus que les six mois initiaux.


Une chose est sûre : l’administration française sera beaucoup plus souple : fini le temps par exemple où pour être retournés plus de six mois dans leur pays d’origine, des retraités immigrés se voyaient exiger le remboursement des prestations perçues. D’ailleurs, il serait bien qu’on puisse effacer l’ardoise de ceux qui doivent rembourser pour avoir dépassé les 6 mois, parfois de quelques jours.


En tout état de cause, je vais pouvoir me pencher attentivement sur cette question puisque depuis quelques jours, je suis passé à la commission des affaires sociales à l’assemblée nationale. Ce qui va me permettre de redemander une autre mission parlementaire sur les immigrés âgés et je veillerai personnellement à la mise en œuvre concrète et rapide de cette allocation compensatrice.


Il reste encore plusieurs points à éclaircir. L’idéal serait que les Chibanis qui le désirent, puissent séjourner dans leur pays d’origine autant qu'ils le souhaitent  et revenir en France de temps en temps pour régler leur situation administrative.


On pourrait aussi réfléchir comment organiser les choses pour que les démarches puissent se faire de leur pays d’origine. En définitif, le but aujourd’hui, est de simplifier toutes ces choses.


 


Certains ne comprennent pas que le décret prévoit la suppression des aides aux logements (APL)…


Beaucoup de ces chibanis gardent une chambre juste pour pouvoir continuer à toucher le minimum vieillesse (ASPA). Avec cette nouvelle mesure, et s’ils décident de retourner vivre dans leur pays d’origine, ils n’auront donc plus besoin de conserver de logement en France. De plus, le versement de l’APL est également soumis à une condition de résidence de 9 mois. 


 


Oui, mais sans une domiciliation, on ne peut pas prétendre à une carte de résidence …


Effectivement. Et il va falloir donc trouver un moyen pour qu’ils gardent leur carte de résidence. Leur créer un titre de séjour spécial… Une piste serait de modifier la carte portant la mention "retraité" pour en faire un titre de circulation et de séjour. Je le répète : le décret vient de sortir mais il y a encore quelques sujets à régler. 


 


Beaucoup de ces Chibanis restent en France aussi pour se faire soigner …


C'est vrai. Là encore, il va falloir qu'on fasse en sorte qu'ils puissent continuer à circuler, et pas que pour se faire soigner en France, même s'ils résident dans leurs pays d'origine. Trouver des solutions juridiques implique d’y travailler rapidement et j’y suis prêt.


 


Certains disent qu’avec cette mesure, l’Etat veut renvoyer les Chibanis chez eux, pour faire des économies…


Si c’était le cas, on n’aurait rien fait. Cela coûte moins cher de ne rien faire, car beaucoup de Chibanis sont déjà retournés au pays et donc, ont renoncé au minimum vieillesse (ASPA). D’autres y renonceront pour retourner dans le pays d’origine si on ne faisait rien. Là au contraire, cette mesure sera financée par un fond spécial et il faut assumer cette dépense car c’est une question de dignité et pas de budget.


J’entends certains dire qu’avec 550 euros, les Chibanis ne pourront pas vivre. Déjà, on se trompe sur le montant : il faut ajouter à ces 550 euros le montant de leurs retraites contributives. Dans la plupart des cas, ils toucheront environ 700 à 800 euros. C’est ce que touchent aussi de nombreux retraités en France.


Cette somme n’est pas mirobolante, mais elle permet à tous les retraités qui ne bénéficient d’aucune pension, d’avoir un minimum pour vivre. C’est loin d’être le cas dans tous les pays. Donc on peut critiquer mais je rappelle, pour avoir travaillé sur ce dossier depuis plusieurs années, qu’il s’agit ici d’une mesure positive.


Je vous propose qu’on fasse un premier bilan dans un an pour voir combien de personnes seront bénéficiaires.


 


Propos recueillis par Nadir Dendoune