L’histoire des chasseurs de skins comptée aux jeunes de Nanterre
Comment les jeunes sont-ils attachés à leur territoire ? Hier soir, la mairie de Nanterre a organisé un débat intitulé « Jeunes, identités et territoire », articulé à partir d’un documentaire sur les chasseurs de skins.
Sur la scène de la maison Daniel Ferry, Kizo explique comment, un jour, il a tout arrêté lorsqu’il s’est rendu compte que la violence n’entraînait que la violence. C’est cet habitant de Grigny, ancien membre d’une bande, aujourd’hui reconverti dans une discipline de rue intitulée « No Joke Training », qui a réalisé le documentaire « Gangs story ». Le film a été diffusé hier soir (20 avril) devant les jeunes de la ville. Une projection à valeur pédagogique pour Nanterre qui a été un lieu chargé de symboles en matière de lutte antifa. « Alors c’était quoi la guerre des gangs dans les années 80 ? », se rappelle Kizo.
Du militantisme à la délinquance
Au départ, la lutte anti-skin était idéologique. Le documentaire « Gangs story » l’explique très bien. A l’époque, on sait où trouver les fascistes. Il y a des points névralgiques en région parisienne. Puis, on est passé du militantisme à de la délinquance quand la chasse aux skins n’a plus eu lieu d’être parce que les skins ont en partie disparu. Ou en tout cas étaient moins nombreux. « La cité remplace le mouvement » et c’est là qu’arrive la notion de territoire… La question de l’identité évolue : « nous sommes une cité, un environnement géographique, et non plus un mouvement ».
« Nous, on voulait vivre comme les New Yorkais ! »
Ce documentaire, c’est aussi l’occasion de s’interroger sur ce qu’on appelait à l’époque une bande, sur ce qu’est également un gang outre-Atlantique et parfois dans la tête de certains medias. Cette fascination pour les Etats-Unis, il en est évidemment question dans le documentaire : l’ancien chef de gang Lamence Madzou y fait référence.
MC Jean Gabin dit « Nous, on voulait vivre comme les New Yorkais ! ». Le sociologue et chercheur au CNRS, Marwan Mohammed, intervient aussi dans le débat et explique la façon dont le phénomène de bande vient « compenser » tous les manques auxquels ces jeunes font parfois face.
« C’est grisant de monter dans un train de banlieue à 12 »
Très vite est évoquée la question du déplacement de ces bandes. Il y a ce que l’on appelle « l’effet de groupe » : « Quand t’as 20 ans, c’est grisant de monter dans un train de banlieue à 12 », raconte, dans le documentaire, Julien Terzics ancien chasseur de skin. Alain Vulbeau, Enseignant-chercheur en Sciences de l’Education à l’Université de Nanterre, réagit en soulignant l’importance des transports en commun pour « extirper » ces jeunes de leur quartier « enfermés socialement et géographiquement ».
Crédibilité d'un projet bien construit
Dans la salle, une jeune, Samir, s’interroge sur ce que les politiques jeunesse « peuvent faire pour lui ? ». Kizo lui répond: « il ne faut pas attendre d'avoir quelque chose de la part des politiques publiques dans les mains pour prendre des initiatives. Il faut démarrer et ensuite demander de l'aide avec la crédibilité d'un projet bien construit ».
Chloé Juhel