L’éternel retour du débat sur l’interdiction du voile à la fac

 L’éternel retour du débat sur l’interdiction du voile à la fac

Le premier ministre


Interdire le foulard islamique à l'université ? Pour Manuel Valls, « il faudrait le faire ». Mais le camp laïc est divisé sur cette idée dont la communauté universitaire s'étonne du retour, les tensions liées au voile semblant rares à la fac. Le premier ministre a cependant admis qu'« il y a des règles constitutionnelles qui rendent cette interdiction difficile ».


 


Valls recadré


Jeudi soir sur France 2, François Hollande a désavoué son premier ministre. « Il n'y aura pas d'interdiction à l'université. L'université est un lieu de liberté, avec des règles qui ont toujours été celles de la liberté politique, syndicale, religieuse », a-t-il affirmé.


De toute façon, la conformité à la Constitution d'une telle loi paraît, de fait, incertaine. La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, ne croit d'ailleurs pas à l'extension à l'université de la loi qui interdit depuis 2004 à l'école les signes religieux ostensibles, dont le voile. « Ce sont de jeunes adultes, les étudiants. Et donc, il y a une liberté de conscience, une liberté religieuse, une liberté d'être qui fait qu'on ne va pas imposer les mêmes contraintes à des étudiants qu'à des mineurs », a fait valoir la ministre sur RMC.


Une telle interdiction « ne saurait se comprendre dans les universités où les étudiants sont des citoyens exerçant l'ensemble de leurs droits et leur esprit critique », estime le syndicat enseignant Sgen-CFDT. La liberté de conviction est d'autant plus jalousement défendue au sein des universités que ces établissements sont dotés d'un statut d'autonomie par rapport aux autres services publics, en vertu de la « franchise universitaire » héritée du Moyen Age. Concernant le voile, seules ses déclinaisons intégrales, de types niqab ou burqa, sont proscrites, comme c'est le cas depuis 2011 dans la rue ou tout bâtiment recevant du public.


 


Le voile : pas un problème dans les facs


Autre argument avancé par les opposants à une loi : l'absence de tensions liées au voile à l'université. « Ce que je vois sur le terrain, ce que me disent tous les présidents d'université c'est qu'il n'y a pas de problème », a réagi sur RTL le secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur, Thierry Mandon. C'est le point de vue de l'Observatoire de la laïcité, commission d'experts placée auprès de Matignon, qui dans un avis rendu public en décembre avait évoqué « une situation globale respectueuse de la laïcité ».


Seulement 130 cas de « désaccords ou conflits ponctuels » lui ont été remontés, pour un total de deux millions d'étudiants. Les situations conflictuelles connues ne concernaient d'ailleurs pas que le port du voile, selon l'observatoire. Son président, l'ex-ministre socialiste Jean-Louis Bianco, a rappelé jeudi dans Le Parisien combien il jugeait « inopportun » de légiférer sur cette question.


Le président de la Conférence des présidents d'université, Jean-Loup Salzmann, a lui fait une mise en garde au micro de RMC : « L'université française est une des universités qui reçoit le plus d'étudiants étrangers. On ne va pas aller les empêcher de venir parce que telle ou telle réglementation s'y opposerait. »


 


Encouragements à droite


Déléguée générale à l’Éducation du parti Les Républicains, Annie Genevard s'est au contraire réjouie que, par les déclarations du premier ministre, « la question du port du voile s'installe dans le débat public ». « C'est une bonne chose, car nul ne peut nier aujourd'hui que cette pratique qui se développe signifie souvent pour les femmes un assujettissement », a-t-elle estimé.


Le président du Comité Laïcité République, Patrick Kessel, est lui aussi venu en appui de Manuel Valls. « Il ne dit pas qu'il faut une loi, il dit que ce serait plus simple s'il y en avait une. » Pour cette figure de la gauche laïque, « dans certaines universités, il ne s'agit plus de quelques personnes qui portent le voile par conviction religieuse discrète, mais de provocation, de prosélytisme ». « À force de tourner autour du pot, on donne l'image d'une République fragilisée, cela renforce et les islamistes et le Front national », juge-t-il.


Rached Cherif


(Avec AFP)