L’émouvante lettre du frère de l’humanitaire Moussa

 L’émouvante lettre du frère de l’humanitaire Moussa


 


Tchantchuing Kamdem est rentré à Paris il y a deux jours. Il venait de passer près de 20 jours  au Bangladesh  avec Moussa, son petit frère. Parti dans le cadre d’une mission humanitaire pour venir en aide aux Rohingyas, une minorité musulmane persécutée en Asie du sud-est, Moussa Ibn Yacoub, de son vrai nom Puemo Maxime Tchantchuing, avait été arrêté arbitrairement le 22 décembre 2015 : les autorités bangladaises lui reprochaient des « activités suspectes ».


Après avoir passé plus de 70 jours derrière les barreaux, il a été remis en liberté conditionnelle le mardi 1er mars. Moussa fait toutefois l’objet d’une interdiction de quitter le territoire et attend toujours la date de son procès. Sur sa page Facebook, Tchantchuing Kamdem a publié cette lettre émouvante.


 


"Moussa, mon petit frère, aura passé plus de 70 jours derrière les barreaux. Il est pour le moment libre. C'est ainsi que s'achève mon deuxième voyage de 19 jours au Bangladesh.


Les jours défilaient au rythme des désillusions. Je ne saurais vous dire combien de fois son audience a été reportée. Tantôt on nous disait que tout était réglé, puis le jour même on apprenait qu'il fallait encore attendre…


J'ai vécu mon voyage entre l'espoir et la crainte. Chaque jour, je sillonnais la prison, tentait d'établir un contact avec le personnel pour lui apporter de bons repas, discutait sans cesse avec la direction pour savoir comment on pouvait aider mon frère…


Derrière moi, je vous savais à mes côtés. Votre énergie ont été pour moi et ma famille, chers soutiens, le carburant nécessaire pour avancer. Ce n'était pas un homme qui était au Bangladesh, mais des centaines de milliers.


Quand est venu le jour de sa sortie de prison. Ca faisait tellement longtemps que je n'avais pas revu son sourire. Depuis, je ne l'ai pas quitté. On vivait dans la même chambre, comme à notre enfance. Cette séparation m'a permis de retrouver ces petits moments, que chaque frères et sœurs se doivent de maintenir.


Durant ce voyage, j'ai beaucoup appris. D'abord, sur ce pays qu'on appelle Bangladesh. Un pays dont l'histoire est marqué par une lutte pour son indépendance, au prix de 10 millions de morts. On retrouve la trace de son combat dans des monuments dispersés un peu partout dans les villes. Même dans certains KFC, une fresque lui est dédié. 


Ce pays reste surtout marqué par une pauvreté d'un autre âge. L'accès au confort pour les uns, voire à la modernité pour d'autres comme l'eau courante ou l'électricité, est loin d'être un acquis. 


Mais si il est matériellement pauvre, ce pays est humainement riche. Densément peuplé d'une part, j'ai vraiment été surpris par leur hospitalité. N'en déplaise aux idées reçues, le Bangladais que j'ai vu et rencontré est serviable, attentionné et ouvert.


Je n'oublierai pas Halom, le responsable de la cantine, et toute la bienveillance du personnel à notre égard. Je n'oublierai pas cette bande de petits enfants de rues, qui marchaient sans chaussures, avec des vêtements rapiécés, souvent contraints à la mendicité. 


Ils vivent dans des conditions inouïes de précarité, et pourtant… Leurs sourires, leurs joies de vivre m'interrogent sur le sens que l'on donne aux biens de ce monde. Ils n'ont rien mais vivent comme si rien ne leur manquait.


Depuis sa sortie, Moussa fait l'objet d'une surveillance intense. Tout nos déplacements étaient suivis par des policiers maladroitement dissimulés. Toute la journée, on se sentait opprimé et épié.


A vrai dire, je m'inquiète en quittant le pays, j'ai peur que cette surveillance vire à l'obsession de trouver chez mon frère, de quoi le remettre en prison. Cela me rappelle une triste réalité…


Moussa est délivré, mais pas libéré… Je quitte donc le pays. J'ai été reboosté dans mon combat pour que cette histoire se termine définitivement. 


J'ai pu voir les vidéos de votre mobilisation du 4 Mars, j'aurais aimé être avec vous, au plus près de vous, pour vous remercier un par un d'avoir pu dessiner dans le visage de ma mère, un sourire.


Ne lâchons rien mes amis. Le combat continue, Moussa doit rentrer à la maison !"


Tchantchuing Kamdem


 


Nadir Dendoune