L’acharnement contre Wiam Berhouma, la prof qui avait interpellé Finkielkraut, continue
On croyait qu'avec le temps, l'histoire remonte au jeudi 21 janvier, les choses finiraient par se calmer. L'acharnement continue: après les réseaux sociaux, les médias, les lettres de menaces, c'est au tour du syndicat FO de s'attaquer à Wiam Berhouma, prof d'anglais de 26 ans qui enseigne à Noisy-le-Sec et qui s'était fait connaître pour avoir interpellé frontalement Alain Finkielkraut dans l'émission Des Paroles et des Actes, diffusée sur France 2 et présentée par David Pujadas.
Dans un communiqué rendu public ce lundi 1 février, FO France Télévision a exprimé "sa réprobation après le dérapage survenu le 21 janvier lors de l’émission "Des Paroles et Des Actes" (DPDA) qui contrevient à toutes les règles d’éthique professionnelle que France Télévisions s’est fixée".
Force Ouvrière, reprochant à David Pujadas son absence de réactivité. "Il n'est pas acceptable que, sur le plateau de l’émission de référence du service public, une invitée, Wiam Berhouma, puisse tenir durant près de dix minutes un discours manifestement militant et soigneusement appris, sans être véritablement recadrée par David Pujadas qui animait la soirée", dit le communiqué..
Force Ouvrière s’interroge également sur "les critères qui ont amené au choix de cette intervenante et souligne, au passage, le manque de transparence lors de sa présentation à l’antenne".
FO encore : "Il a en effet été indiqué au téléspectateur que cette jeune femme "n’appartenait à aucun parti" et qu’elle avait simplement figuré sur une "liste citoyenne". Cette dernière précision n’en était pas une, ou elle était alors fort imprécise. Wiam Berhouma est en réalité une militante active de la Marche des femmes pour la Dignité (Mafed) émanation directe du Parti des Indigènes de la République (PIR), connu pour ses positions qui sont, tout, sauf nuancées".
Le syndicat de journalistes, comme tous nos autres confrères d'ailleurs, n'a jamais cherché à joindre l'intéressée relayant juste les fausses informations relayées d'abord par le magazine Marianne et reprises en boucle.
Wiam Berhouma, que le Courrier de l’Atlas a contacté (la moindre des choses) au lendemain de l'émission, a pourtant affirmé qu'elle n'était en aucun cas proche du PIR. Quant au fait qu'elle ait participé à la Mafed, elle avait répondu alors : "Oui, j'ai participé à la Marche… comme des milliers d'autres citoyens. Comme certains élus de gauche aussi, comme ceux du Front de gauche ou d'Europe Écologie les Verts. Donc, si on suit le raisonnement de Marianne, eux aussi sont proches du PIR ? C'est ridicule. Je croyais qu'être journaliste, c'était vérifier l'information. Croiser ses sources. Ils auraient pu au moins m'appeler".
Cette affaire et la violence qui s'en découd nous indigne, mais elle nous montre que la liberté d’expression est encore une fois à géométrie variable dans notre pays. Wiam Berhouma a dit ce qu'elle pensait lors de cette émission. Qu'on soit d'accord ou pas avec ses propos, elle avait le droit de le faire. Comme d'autres l'ont fait par le passé.
Comme pour Laurence De Cock, professeure à Nanterre, et également invitée en janvier 2015 à débattre face à Alain Finkielkraut après les attentats : "cette affaire révèle vraiment le sexisme et le racisme latent de cette société". Confrontée elle-même à des attaques et menaces à la suite de son intervention, elle précise que cela n'a jamais atteint le niveau de ce que subit sa collègue Wiam Berhouma.
"La violence des réactions a empêché toute possibilité de débattre sur le fond ; il est apparemment inconcevable dans ce pays d'être jeune, femme, et musulmane et de pouvoir exprimer une position politique librement et publiquement. Quand sortira-t-on de ce mythe de la gentille "beurette" ? WB a brisé un tabou, c'est parfait, j'espère qu'elle continuera à le faire car l'idéologie nauséabonde véhiculée par l'académicien mérite qu'on y résiste".
Nadir Dendoune