Josette Kalifa : « Cette double culture, la source dans laquelle je puise une ouverture d’esprit »
Dans son récital « Piaf et les chants du Maghreb », l'artiste Josette Kalifa, incarnant la chanson populaire d'antan, a créé le lien entre Edith Piaf et le répertoire judéo-arabe maghrébin. Vendredi (15 mai), à l'Institut du monde arabe, la chanteuse interprétera son spectacle rapprochant les cultures de la France et du Maghreb, deux cultures qui vivent en elle : sa force. Interview.
LCDL : Pourquoi avoir choisi d’interpréter Edith Piaf ?
Josette Kalifa : Parce que j’ai toujours chanté Piaf, je veux dire depuis mon plus jeune âge. Plus tard, devenue interprète j’ai commencé ma carrière dans la rue (1990-1994) et, tout naturellement, j’ai interprété Piaf.
Comment vous est venue cette idée de concert : « Piaf et les chants du Maghreb » ?
J’ai très vite ressenti le besoin de chanter en arabe et me suis mise en quête d’un maître. Je précise que je ne parle pas du tout l’arabe. J’ai rencontré Saad Eddine Elandaloussi en 2006 et j’ai fréquenté la chorale qu’il dirige à la Cité internationale des arts à Paris autour de la musique arabo-andalouse. Dès lors, j’ai commencé à élaborer un projet de rencontre entre la chanson française et le chant arabe, comme pour faire se rejoindre en moi les deux pôles de ma propre culture : née en France de parents judéo-maghrébins. 10 ans plus tard c’est chose faite !
Pouvez-vous nous parler des musiciens qui vous accompagnent ?
Leur CV est pour la plupart impressionnant, tous virtuoses. Ils ont beaucoup donné d’eux mêmes pour l’élaboration de ce concert. Saad-Eddine Elandaloussi, directeur artistique du spectacle, pianiste, interprète, né à Alger (Algérie) berceau de la musique arabo-andalouse et c’est tout naturellement qu’il la chante dès son plus jeune âge (13 ans). Depuis plus de vingt ans, il poursuit sa carrière avec toujours autant de passion.
Au Oud, Nouredine Aliane : Très jeune il rejoint la célèbre association musique andalouse « Essoundoussia » avec laquelle il obtient à deux reprise lepremier prix du festival « printemps andalous » en 1988 et 1989. Il joue du Oud, de la mandoline et de la mandole. Sans oublier, Khaled Bensaïd à la mandoline (premier prix du festival international de mandoline au Maroc, en 2013). Saïd Katbabi au violon et Yousri Ghiat à la Derbouka, ndlr].
Quelles sont les passerelles entre la chanson populaire française et la musique maghrébine ?
C’est là tout le talent et le travail de Saad Eddine Elandaloussi et de notre rencontre. A partir des chansons de Piaf que je lui proposais, il a su puiser dans le répertoire qu’il connaît à la perfection des chants, des rythmes, des intermèdes musicaux et les mettre en correspondance avec les chants de Piaf. Le résultat est un assemblage subtil (loin de tout exotisme oriental) entre chansons d’Edith Piaf, chants judéo-arabe et musique arabo-andalouse.
Votre multiculturalisme fait-il votre force ? Comment cela vous influence-t-il ?
Plutôt que de force, je parlerai de richesse. Cela m’a aussi permis de trouver une véritable légitimité dans ce projet. Cette double culture est sans doute la source dans laquelle je puise une ouverture d’esprit, une tolérance à l’égard des différentes cultures tant du point de vue de ce qui nous rapproche que de ce qui nous sépare. Je ne suis moi-même d’aucune confession pratiquante, ayant depuis longtemps rejeté les dogmes religieux entre autre. Jeune adulte, j’ai dit à ma mère « je veux pouvoir manger avec tout le monde, c’est la raison pour laquelle je ne peux accepter la contrainte du manger casher liée à la religion juive ».
Propos recueillis par F. Duhamel