Jean-Claude Tchicaya : « L’abstention est devenue une opinion politique »

 Jean-Claude Tchicaya : « L’abstention est devenue une opinion politique »

Jean-Claude Tchicaya consultant en géostratégie


 


La France traverse une crise politique sans précédent. L’abstention et le vote blanc enregistrent des scores de plus en plus élevés dans les quartiers. Les medias évoquent une dépolitisation galopante. Jean-Claude Tchicaya est consultant et sociologue. Interview.


 


LCDL : Peut-on, selon vous, parler de dépolitisation dans les quartiers ?


Jean-Claude Tchicaya : Il ne s’agit pas de dépolitisation. Je pense que l’abstention est un acte politique, un acte volontaire. Le profil des abstentionnistes est significatif : 73% sont des jeunes de 18 à 24 ans, 59% des 35-34 ans, il y a également 58% d’abstentionnistes chez les employés et 53% chez les ouvriers. L’abstention est devenue une opinion politique. Si on cumule le nombre d’abstentionnistes et ceux qui ont glissé un bulletin blanc dans l’urne, chiffres auxquels on peut ajouter toutes celles et ceux qui ne sont même pas inscrits sur les listes électorales, cela permet de mesurer l’ampleur du phénomène. Nous sommes dans un pays à la démocratie relative !


 


Parler de dépolitisation est même une façon de nier le problème…


Ca suffit de parler de dépolitisation parce que le terme que l’on colle généralement derrière, c’est le mot jeune. C’est bien connu, tout le monde est jeune dans les quartiers ! Moi je préfère me concentrer sur le fait qu’il y a des quartiers dans lesquels moins de 10% des inscrits sont allés voter. Je trouve scandaleux que ce phénomène d’abstention ne fasse pas la Une des journaux. La France abstentionniste est majoritaire.


 


Les habitants des quartiers ont massivement voté pour François Hollande. Sont-ils les premiers déçus ?


Oui, ils ont voté en nombre contre Nicolas Sarkozy. Le changement tant attendu n’est pas vraiment arrivé. Et particulièrement en matière d’inégalités. L’accroissement des inégalités est, lui aussi, un élément politique de plus, poussant à l’abstention ou aux chemins de traverse tels que le vote FN. La France des quartiers ou non a soif d’une autre politique, d’une autre représentativité.


 


Propos recueillis par Chloé Juhel